[Billet collectif n°2 – Groupe 8] Résultats de l’enquête

[Billet collectif n°2 – Groupe 8] Résultats de l’enquête

L’objectif de notre recherche était de questionner les liens qu’entretiennent deux concepts des sciences politiques et sociales, d’une part l’identité nationale et la participation politique de l’autre. Avant de vous présenter nos résultats il nous semble utile de revenir sur notre méthodologie et la sélection de notre cas d’étude pour bien saisir toute la portée et les limites de nos conclusions.

Pour aborder notre sujet nous avons décidé de sélectionner le cas d’étude de la communauté belgo-turque de Bruxelles. Ce cas d’étude nous paraissait très intéressant car il permettait d’étudier en même temps les rapports entre deux identités nationales, belge et turque, et deux participations politiques, l’une en direction de la Turquie, l’autre en direction de la Belgique.

En explorant la littérature scientifique sur le sujet nous avons remarquer qu’il était au carrefour de plusieurs courants monographiques. L’étude des diasporas et de leurs rôles politiques tant vers le pays d’accueil que le pays d’origine. Il y a également les études portant sur l’intégration politique et identitaire, mais également les études sur le vote à distance. Enfin, il y avait la sociologie électorale qui étudie les caractéristiques sociales et économiques en parallèle à la participation politique. Cette discipline avance régulièrement des résultats tendant à prouver l’existence d’un lien entre sentiment d’appartenance et participation politique[1]. Plus les gens sont intégrés à la société nationale, régionale, professionnelle, associative et autre plus ils votent. Est-ce que cette relation peut être posée sur notre cas d’étude ? Car la sociologie électorale défend cette relation uniquement dans le cas d’une participation politique classique c’est-à-dire une direction d’un seul pays. Pour poser la question de cette relation entre intégration sociale et participation pour notre cas de recherche il fallait l’adapter au fait que les Belgo-turcs peuvent participer à deux jeux politiques. Nous avons alors créé la question de recherche suivante :

Existe-t-il dans l’activité politique des belgo-turcs bruxellois en direction de la Belgique et de la Turquie, une hiérarchie équivalente à la hiérarchie des identités nationales ? »

Pour tenter de répondre à cette question nous avons mobilisé deux hypothèses principales que nous avons testées au cours d’entretiens avec un échantillon varié de belgo-turcs bruxellois. Une précision s’impose avant de vous présenter nos résultats, notre objectif n’était pas de tirer des conclusions générales sur la communauté belgo-turque bruxelloise, mais d’approcher le sujet et de l’explorer. Dans le temps imparti il n’était pas possible de réaliser pareil étude, nous nous sommes donc concentrés sur l’exploration d’un sujet complexe des sciences politiques.

Notre première hypothèse pour répondre à notre question de recherche est :

« Plus les belgo-turcs se déclare turcs avant d’être belge, plus ils favorisent la vie politique turque. »

Le résultat est sans appel sur cette hypothèse. Elle se vérifie totalement. Nous avons demandé aux personnes interrogées de classer leurs identités et de nous communiquer la hiérarchie des trois premières qui leurs venaient à l’esprit. Nous constatons que plus l’identité turque est classée au sommet de la hiérarchie, plus les chances de s’intéresser à la politique turque augmente et les chances de s’intéresser à la politique belge diminue. La participation à des événements politiques turcs augmente également.

Dans les deux cas ou l’identité turque à été placée au sommet de la hiérarchie, l’intérêt pour la politique belge est nul. Dans tous les autres ou elle a été mentionné, la politique belge les intéresse aussi moins. Nous avons plus de variable sur la participation, comme le vote, les discussions. Mais celles-ci seront abordés dans le rapport final.

Donc notre première hypothèse est vérifiée. Plus l’identité turque est importante, plus la participation politique turque est de manière globale favorisée.

Évidemment cela paraît intuitif, et notre ambition était de questionner le sens commun. Dans ce cas là, il se vérifie. Mais plus intéressant est notre seconde hypothèse, qui est

« Plus les belgo-turcs se déclarent belges avant d’être turcs plus ils favorisent la vie politique belge ».

Le bon sens voudrait que l’exacte inverse de notre première hypothèse se vérifie également. Et bien pourtant, ce n’est le cas. Ce qui est très intéressant.

Quand les répondants se déclare belge, c’est toujours en dernière position. On remarque que le fait de classer l’identité belge n’a aucun impacte sur la pratique de la politique belge à la maison, dans les discussions entre amis qui restent concentrées sur la politique turque. Autrement dit, le sentiment d’appartenance national belge n’influe pas sur la participation politique.

Ainsi nous avons découvert une dissonance avec le sens commun, dans l’échantillon que nous avons étudié, le fait de se sentir turc avant de se sentir belge débouche sur une participation politique plus importante en direction de la Turquie. Par contre l’inverse ne se vérifie pas, l’identité belge placée devant l’identité turque ne modifie pas le niveau de participation politique en faveur de la Belgique.

Cette dissonance sera plus précisément explorée et relativisée à l’aide de variables supplémentaires dans notre rapport final. Mais dans tous les cas la réponse à notre question de recherche est la suivante : Oui, il existe un lien de causalité entre identité nationale et participation politique, entendue au sens large, celle-ci ne se vérifie ne se vérifie que pour l’identité turque et non l’identité belge.

Ainsi nous avons atteint notre objectif de recherche qui était de questionner le sens commun en y apportant nuances et précisions et meme en le contredisant.

 

Zeynep Güven, Laurent Leyssens et Yitian Qian

 

[1]Lester W. MILBRATH, M. L. GOEL, Hansen, S. (1978). « Political Participation: How and Why Do People Get Involved in Politics ? » 2nd edition . American Political Science Review, 72, 1482-1484.

 

Laisser un commentaire