Résultats du GROUPE 6 : « LA CRÉATION D’UN SENTIMENT D’APPARTENANCE IDENTITAIRE AU SEIN DU SERVICE EUROPÉEN POUR L’ACTION EXTÉRIEURE : LE CAS DES FONCTIONNAIRES ITALIENS ET FRANÇAIS »

Résultats du GROUPE 6 : « LA CRÉATION D’UN SENTIMENT D’APPARTENANCE IDENTITAIRE AU SEIN DU SERVICE EUROPÉEN POUR L’ACTION EXTÉRIEURE : LE CAS DES FONCTIONNAIRES ITALIENS ET FRANÇAIS »

Bonsoir à tous,

Nous avons choisi comme population cible les fonctionnaires européens au sein du Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE) et plus particulièrement les fonctionnaires italiens et français, afin de comprendre la manière dont cette institution participe à la construction du sentiment d’appartenance à l’identité européenne. Notre problématique se concentre donc sur ce processus :comment se développe le sentiment d’appartenance identitaire des fonctionnaires italiens et français au sein du Service Européen pour l’Action Extérieure ?

Afin de traiter cette question, il a été convenu d’axer notre recherche sur une dichotomie entre environnement personnel et environnement de travail à travers trois hypothèses : le sentiment d’appartenance européen est influencé par le temps de travail au sein du service et/ou par le cercle familial et/ou amical (groupe d’amis, groupes d’expatriés, cercles de librairies ou d’événements en rapport avec leur nationalité d’origine). Nous avons également considéré que ces identités pouvaient être complémentaires.

En terme de cadre théorique, une approche Wébérienne de la bureaucratie européenne permet de mieux comprendre les processus de socialisation à l’œuvre. Selon lui, la structure d’une société peut être éclairée par les groupes de statut, qui concentrent des individus ayant le même prestige social ou « honneur social ». Cette perspective suggère un rôle de l’institution dans le processus de socialisation et différenciation de l’individu, qui se reflèterait donc dans la formation de son identité.

Si les entretiens semi-directifs que nous avons conduits nous ont bien permis de conclure à l’existence d’un sentiment d’appartenance à l’identité européenne, il apparaît toutefois que ce sentiment existait avant l’entrée des enquêtés dans le SEAE. En même temps, il a été renforcé par cette immersion dans la « bulle européenne » au quotidien. Le rôle de l’institution dans la formation de l’identité dépend cependant du statut des enquêtés. Une personne rencontrée qui avait le statut permanent de fonctionnaire européenne apparaissait en effet comme plus attachée à l’institution par rapport aux autres, qui étaient agents contractuels.

Notre hypothèse de départ qui postule que l’institution permet la création d’un sentiment d’appartenance à l’identité européenne ne peut être vérifiée. D’après nos entretiens, l’origine de ce sentiment provient plutôt du processus de socialisation antérieur des individus. Notre hypothèse sur l’influence du cercle familial dans la création d’une identité duale est donc vérifiée. D’après Charles de Gaulle : « Je suis français, donc européen ». Nous avons en effet remarqué que ces identités étaient complémentaires voire interdépendantes selon la nationalité de l’enquêté.

Les individus de nationalité italienne par exemple, accordent plus d’importance à leur identité d’origine et semblent donc suivre le mouvement de la phrase de Charles de Gaulle : je suis italien, donc européen. Ils expriment en parallèle un fort attachement à l’identité européenne.

Pour les individus de nationalité française, la citation semble s’appliquer dans le sens inverse. Ils ont en effet une propension plus forte à se dire d’abord européen. Selon leurs dires, l’identité française apparaît comme reléguée au second plan, en tant que voie d’accès à l’identité européenne.

Une autre variable peut venir influencer la combinaison des identités, à savoir l’expérience internationale des enquêtés. En effet, tous les français interrogés ont vécu une vie d’expatriés depuis leur plus jeune âge. La citation d’une fonctionnaire d’origine française peut illustrer ce point : «  Effectivement je me sens d’abord européenne avant autre chose, parce que je suis née avec une nationalité portugaise et que j’ai acquis la nationalité française à l’âge de 16 ans, tout en gardant ma nationalité de naissance. Pour moi je suis européenne avant quoi que ce soit d’autre. J’ai vécu dans plusieurs pays ». Au contraire, les italiens interrogés bien qu’ayant un environnement social favorable à la vision européenne tant sur le plan familial que professionnel, n’ont pas vécu cette expérience internationale. L’expatriation peut donc façonner l’habitus, en même temps que le rapport à son identité et ajoute donc une variable supplémentaire dans le processus de formation des identités qu’il importe de prendre en compte en ce qui concerne l’échantillon d’enquêté français.

Une autre tendance indique à nouveau des différences de pratiques et habitus entre fonctionnaires français et italiens. Il s’agit de la scolarisation des enfants des enquêtés et en particulier le choix de rejoindre une école européenne, qui renseigne sur les choix parentaux et les rapports à l’identité d’origine. Les italiens apparaissent comme plus favorables à ce programme, qui leur permet de transmettre leur culture et langue d’origine à leurs enfants grâce aux sections linguistiques disponibles. Les français, quant à eux, y sont moins sensibles et favorisent une scolarisation dans le cadre du système belge, puisque les écoles belges enseignent en français à Bruxelles. Ils ne ressentent donc pas le besoin d’une promotion particulière de leur culture d’origine, au-delà de l’exercice du français, et préfèrent éduquer leurs enfants en dehors de la bulle européenne. Toutefois, le fait que les français puissent exercer leur langue dans le cadre bruxellois pourrait contribuer à réduire leur sentiment d’éloignement à leur identité d’origine et marque une différence par rapport aux enquêtés italiens, toutes choses égales par ailleurs.

Cette étude montre donc que les fonctionnaires du SEAE sont des européens convaincus, indiquant davantage un lien de cause à effet entre la préexistence d’une identité européenne et l’entrée au SEAE qu’un lien entre l’entrée au SEAE et la création d’une identité européenne a posteriori. Il convient toutefois de rappeler que cette enquête a été réalisée à partir d’un échantillon réduit d’entretiens semi-directifs et de questionnaires quantitatifs. Si ce travail nous a permis de tester nos hypothèses, nos conclusions doivent être vérifiée à une échelle plus large.

Bonne soirée à tous!

Gabrielle Goyer-Mevel, Océane Lestage, Tennessee Petitjean

 

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