[Groupe 8] Billet collectif n°2- Le conflit sur la question du nucléaire opposant Greenpeace à Engie Electrabel

[Groupe 8] Billet collectif n°2- Le conflit sur la question du nucléaire opposant Greenpeace à Engie Electrabel

Après avoir réalisé la retranscription de nos deux entretiens chez Engie Electrabel et Greenpeace, nous avons relevé quatre grandes approches théoriques et trois approches unilatérales. Les grandes approches sont économique, politique, environnementale et juridique. Les approches unilatérales sont celles de la sécurité, technique et idéologique. Nous avons donc analysé et réparti les différents résultats entre ces approches, mais comme nous le verrons ci-après, certaines approches ne sont pas remplies par les deux acteurs. Au niveau stratégique, les deux acteurs ont adopté deux justifications différentes, le discours de Greenpeace étant plus émotionnel et moralisateur, alors que le discours de Engie Electrabel renvoyait au registre technique.
Tout d’abord, l’approche économique est tout ce qui concerne la question du financement des centrales nucléaires. Du côté de Greenpeace, ils voient les centrales nucléaires comme une aberration étant donné qu’aujourd’hui les autres fournisseurs investissent dans le renouvelable, seul Engie continue d’investir dans les centrales nucléaires en Belgique, ailleurs ils commencent eux aussi à investir dans le renouvelable. De plus, l’enfouissement nucléaire, suite au démantèlement des centrales, représente un coût énorme, qui sera encore présent dans les générations futures. De son côté, Engie soutient le fait qu’il y aurait une incohérence à tout arrêter maintenant et voudrait réconcilier la transition écologique avec l’économie. Le maintien des centrales est utile pour la transition énergétique car les énergies vertes ne sont pas encore compétitives sur le marché mais commencent à l’être. Engie soutient le fait d’arrêter la consommation du nucléaire mais pas immédiatement car les énergies actuelles ne peuvent pas soutenir à elles seules la consommation actuelle des ménages.
Que ce soit du point de vue économique et écologique, les centrales ne permettent pas de solution sur le long terme. À contrario, Greenpeace pense que Engie soutient les centrales nucléaires car elles sont déjà amorties ce qui leur permet de produire à bas coût et de ne pas investir dans d’autres énergies, notamment celles bas carbone. L’approche environnementale repose principalement sur la notion de “certificats verts”. Selon Greenpeace, Engie colore son électricité en vert grâce à l’achat de certificats, lui permettant d’atteindre le quota nécessaire. On ne peut définir l’approche environnementale sans parler des arguments de Greenpeace contre les déchets nucléaires produits par les centrales, ainsi que le risque de pollution énorme en cas d’accident. En effet, les centrales belges sont situées extrêmement proches des villes et donc en cas de fissure ou d’explosion, il y aurait une incapacité à protéger la population et les dégâts matériaux, financiers et sanitaires seraient désastreux. Ces deux arguments rejoignent l’approche sécuritaire. Il est également très difficile de varier les quantités de production, ce à quoi Engie répond par le fait que ce n’est pas le nucléaire qui empêche le développement renouvelable aujourd’hui. En effet, selon eux, l’urgence aujourd’hui n’est pas le traitement des déchets nucléaires mais la gestion du CO2, c’est-à-dire comment faire pour réduire ou arrêter d’extraire des énergies fossiles du sol et faire de l’énergie autrement. L’urgence est donc climatique. Le nucléaire est donc indispensable pour limiter les émissions de CO2, il permet de ne pas se tourner vers des énergies carbonées. Si nous voulons respecter les accords sur le climat, le nucléaire est indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique dans l’immédiat puisqu’il n’émet pas de CO2. Le nucléaire maintient la politique de réduction des émissions à effet de serre. Le problème principal est le CO2, non pas les déchets nucléaires qu’on ne sait, dans tous les cas, pas retraiter. Les déchets sont déjà là, la prolongation des centrales rajoute un peu de déchets mais ne crée pas un nouveau problème. Le nucléaire n’empêche en rien le développement du renouvelable.
Concernant l’approche politique, le nucléaire est vu par Greenpeace comme une arme de destruction massive. De plus, Greenpeace est en train de tout faire pour que le prochain gouvernement belge respecte les lois par rapport à la durée de vie des centrales nucléaires. En effet, jusqu’à présent, Greenpeace accuse Engie d’avoir négocié avec le gouvernement pour que leurs centrales restent ouvertes. C’est pourquoi Greenpeace est actuellement en train de négocier avec la Ministre Marghem pour le démantèlement et la gestion à long terme des déchets nucléaires. Cet argument rejoint également l’approche juridique. Ils accusent aussi Engie d’avoir des représentants au sein de l’AFCN et au sein du Ministère de l’Énergie pour les aider à prolonger leurs certificats. Du point de vue d’Engie, la part du nucléaire dans le mix énergétique belge est hérité de décisions politiques antérieures et Engie se retrouve à gérer le nucléaire maintenant. La transition énergétique n’est pas entravée par le nucléaire, sans cette dernière, le système ne tient pas. De plus, le traitement de la question nucléaire est influencé culturellement par les incidents passés. Les craintes concernant la question nucléaire se cristallisent au sein de la société d’un point de vue culturel. Le fonctionnement politique actuel ne permet pas de diminuer les émissions de CO2 de manière efficace. Par conséquent, d’un point de vue juridique, Engie se sent énormément contraint vis-à-vis des citoyens belges, du gouvernement et des formalités administratives.
Les approches idéologiques et techniques ont seulement été abordées par Engie, qui a justifié à plusieurs reprises ses actions au niveau technique en faisant appel à son expertise dans le milieu de l’ingénierie. Leur argument serait donc que le démantèlement des centrales nucléaires dès maintenant plongerait le pays dans le noir dans les moments où l’énergie est la plus demandée. C’est une approche abordée uniquement par Engie du fait de son expertise scientifique sur le sujet. On voit donc que les arguments de Greenpeace peuvent être qualifiés de moraux voire sentimentaux, à la différence d’Engie qui avance des arguments beaucoup plus techniques.
Au niveau idéologique, le nucléaire est toujours cantonné à son rôle de mauvaise énergie, considéré comme trop dangereux, polluant, coûteux et pas assez rentable. De plus, les gens ne comprennent pas les réelles contraintes auxquelles sont confrontés les producteurs d’énergie nucléaire. Le vrai frein vers les énergies renouvelables sont les gens eux-mêmes et leur mode de consommation qui n’est autre que la fonction résultante du modèle économique que nous avons hérité de nos pairs.

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