[GROUPE 3] Billet collectif – La non-reconnaissance des diplômes de femmes migrantes: une étude comparative du phénomène de déclassement social en région bruxelloise
Comment vous sentiriez-vous si toutes vos années d’études ne signifiaient plus rien à l’étranger ? Vous êtes-vous déjà demandé si la personne qui fait le ménage chez vous possède un diplôme universitaire ?
Bien que les migrations féminines internationales ne constituent pas un phénomène nouveau, pour notre recherche nous allons prendre en considération des femmes qui souffrent aujourd’hui d’un déclassement social dû à la non-reconnaissance de leurs diplômes. Nous allons donc nous intéresser au phénomène de déclassement social sur le marché du travail, et son impact sur la vie sociale des femmes migrantes dans la région bruxelloise. Nous entendrons par “déclassement social” toute perte d’une certaine position sociale d’une femme migrante, par rapport à celle de son pays d’origine, due à une non-reconnaissance de diplôme. L’accent sera donc mis sur le déclassement professionnel, qui établit un lien entre le niveau de diplôme obtenu dans le pays d’origine, et le statut social dans le pays d’accueil. L’insertion professionnelle et sociale est la base d’appui et de soutien dans la société d’accueil, alors que ces femmes migrantes rencontrent des difficultés dans leur réadaptation professionnelle malgré leurs compétences, le marché du travail européen étant fermé aux diplômés immigrés des pays en développement. Par conséquent, de nombreuses femmes migrantes qualifiées travaillent dans des secteurs où leurs compétences professionnelles ne sont pas officiellement reconnues. Elles sont donc souvent confrontées au sous-emploi et à la rétrogradation, sans contrats de travail ou d’avantages sociaux, et sont employées dans le secteur du travail domestique : garder des enfants, veiller sur les personnes âgées, être dame de compagnie; des travaux “habituels” pour les femmes migrantes.
Dans ce contexte, ces femmes migrent principalement dans l’optique d’une mobilité sociale qui se solde par une non-reconnaissance de diplômes. Nous pouvons alors supposer que cette absence de reconnaissance est facteur d’un déclassement social, d’une dévalorisation, et donc d’une difficile intégration dans leur pays d’accueil. Ce sentiment de dévalorisation impacterait les ambitions professionnelles et les relations sociales. Ces femmes reverraient leurs aspirations professionnelles à la baisse, se tournant vers des champs de métiers “dévalorisants” au regard de leurs diplômes obtenus dans leur pays d’origine. Aussi, leur vie sociale de manière générale serait impactée par ce sentiment de dévalorisation, les conduisant à un certain isolement ainsi qu’à une réduction de leurs interactions sociales.
Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’insertion professionnelle et sociale des femmes migrantes Congo-Camerounaises. En effet, dans la région de Bruxelles capitale, plus de 2000 femmes sont de nationalité camerounaise et presque 4000 sont de nationalité congolaise (RDC). Notre étude se concentrera donc sur la place des femmes migrantes camerounaises et congolaises diplômées sur le marché du travail domestique en Belgique.
Par conséquent, notre question de recherche est la suivante : Comment la non-reconnaissance des diplômes de femmes migrantes peut constituer un phénomène de déclassement social et donc un frein pour leur intégration à la société bruxelloise ?
La présente étude a donc pour but de vérifier l’hypothèse selon laquelle la non-reconnaissance des diplômes des migrantes est un facteur de déclassement social dans leur pays d’accueil. Mais également l’hypothèse que ce déclassement social entraînerait une intégration difficile.
D’un point de vue théorique, le cadre du constructivisme nous semble adapté, puisqu’il s’agit d’étudier comment la réalité de ces femmes est construite socialement. Notre sujet est donc au croisement entre études de genre et études migratoires. Un cadre théorique teinté d’études féministes nous permettrait d’analyser les difficultés spécifiques rencontrées par ces femmes. En effet, les femmes font plus largement partie de l’économie dite souterraine et cumulent généralement plusieurs activités (professionnelle, vie familiale, etc.) et ne seraient donc pas impactées de la même façon que les hommes par le déclassement social. Le prisme de l’intersectionnalité nous paraît également important : ces femmes cumulent généralement plusieurs discriminations dues à leur genre, leur position de migrantes et parfois leur position de personnes racisées.
Ainsi, concernant notre démarche méthodologique, nous avons décidé de suivre pour notre enquête qualitative des entretiens semi-directifs. Ces derniers seront comparatifs avec plusieurs aides ménagères originaires du Cameroun et du Congo. En effectuant des entretiens semi-directifs il nous sera possible d’une part de guider l’entretien par une grille préparée en amont et d’autre part de laisser libre court à ces femmes de s’exprimer. Quant à la faisabilité de notre recherche, il nous semblait plus pertinent, notamment au travers de la situation sanitaire actuelle, d’interroger directement les personnes concernées plutôt qu’une autre méthode telle qu’une observation qui ne permettrait pas la bonne réussite de notre enquête. Pour prendre contact avec les futures interrogées, nous avons la chance d’avoir au sein de notre groupe une enquêtrice étant au contact de plusieurs aides ménagères. D’autre part, une autre enquêtrice travaille dans une ONG solidaire et pourra aussi nous permettre de possibles rencontres pour obtenir d’autres points de vue. Nous avons décidé d’effectuer nos entretiens avec le plus de migrantes possible afin d’obtenir un maximum de matière pour la réussite de notre enquête, les entretiens étant l’approche permettant d’obtenir des parcours de vie le plus ‘aisément’ possible. Il sera important lors de ces entretiens de prendre en compte notre position (en majorité) d’étudiantes européennes face à des migrantes Congolaises et Camerounaises. De plus, l’une de nous connaissant les femmes prochainement interrogées, notre position se devra de rester la plus neutre possible pour la bonne réussite des entretiens.
Source statistiques :https://ibsa.brussels/themes/population/nationalites
https://ibsa.brussels/themes/population/mouvement-de-la-population