[GROUPE 3] BILLET COLLECTIF 2 – LES FONCTIONNAIRES ITALIENS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE : UNE ANALYSE DE L’IMPACT DU CHANGEMENT DE LA FONCTION PUBLIQUE EUROPÉENNE SUR LEURS POSITIONS DANS L’INSTITUTION.
D’emblée, il est important de souligner que nous avons trouvé le déroulement de notre recherche très stimulant, même s’il n’a pas été privé de difficultés.
Au début, en effet, il faut admettre que nous avions quelques incertitudes sur la faisabilité de notre enquête, notamment en ce qui concerne la possibilité de contacter plusieurs membres de la Commission. Néanmoins, nous étions déterminés à poursuivre et, après plusieurs réunions de groupe, nous avons affiné notre problématique et nos hypothèses. Suite à cette première phase, plusieurs brainstormings ont été nécessaires pour établir une grille d’entretien adéquate et sans jugements normatifs. Comme évoqué dans notre premier billet, lors de ces sessions collectives, nous avions décidé d’interviewer “que” deux catégories d’agents : les permanents et les contractuels. Cependant, au cours de notre enquête, nous avons choisi d’interroger aussi des agents temporaires. En effet, même s’ils ne doivent passer par l’un des concours EPSO pour accéder à leur poste, nous avons pensé qu’il était utile de les inclure dans notre recherche afin de recueillir le plus d’informations possibles sur le mécanisme des Ressources Humaines au sein de la Commission. En ce qui concerne les moyens de contacter nos potentielles interviewés, nous avons décidé d’utiliser LinkedIn. Cependant, au moment de la prise de contact, lancée à la mi-avril, des difficultés ont émergé : effectivement, dans de nombreux cas, les personnes à qui nous avons écrit n’ont pas répondu. Pour cette raison, nous avons changé de stratégie, en les contactant par le biais de leurs mails institutionnels. Cette décision s’est avérée très efficace, car les personnes se sont montrées beaucoup plus rapides à nous répondre.
De plus, après nos premiers entretiens, au début du mois de mai, nous avons décidé de changer notre stratégie aussi en termes de méthode de collecte de données. Plus précisément, si nous avions initialement prévu de combiner questionnaires et entretiens, nous avons ensuite choisi de nous focaliser seulement sur les entretiens, qui nous semblaient plus utiles pour notre recherche. En effet, à travers les entretiens, il nous était possible de demander aux personnes interrogées de nous fournir des détails supplémentaires lorsque quelque chose n’était pas très clair ou lorsqu’un aspect nous semblait particulièrement intéressant. C’est une possibilité que nous n’aurions évidemment pas eu en soumettant les personnes à un questionnaire. Ainsi, en mettant tous nos efforts sur les entretiens, nous avons finalement réussi à en réaliser 26, qui nous ont permis de recueillir une grande quantité de données et d’aboutir alors à des résultats concernant nos hypothèses.
En analysant les résultats, si d’un côté ils confirment nos hypothèses de départ, d’un autre côté ils montrent qu’il y a d’autres facteurs avancés par les acteurs pour expliquer leur position au sein de la Commission.
En ce qui concerne notre première hypothèse, liée au capital culturel et au type de formation universitaire, plusieurs interviewés affirment que la formation offerte en Italie ne les a pas préparés au concours. Effectivement, ils soulignent que s’ils sont avantagés par l’épreuve orale, qui n’est que la troisième phase du concours. Afin d’y parvenir, ils doivent franchir les étapes précédentes, surtout la première, basée sur des tests logiques et abstraits[1], qui sont très difficiles pour beaucoup d’Italiens, comme par exemple pour l’Interviewé 9.[2] De plus, l’Interviewé 24, qui a passé le concours avant le changement des épreuves, affirme que le concours précédent était plus adapté à la préparation italienne, alors que le système actuel est plus difficile.[3]
Quant à notre deuxième hypothèse, relative aux réseaux au sein de la Commission et au rôle qu’ils peuvent jouer dans la réussite du concours, beaucoup d’interviewés soulignent l’importance d’avoir déjà travaillé au sein de cette institution (comme stagiaires par exemple). En effet, depuis l’intérieur, ils ont la possibilité de créer des réseaux qui peuvent les aider à passer la compétition, comme témoigne par exemple l’interviewé 8.[4] D’ailleurs, les entretiens montrent aussi que les Italiens souhaitent rejoindre la Commission même s’il s’agit de travaux temporaires où ils sont surqualifiés, comme affirmé par l’Interviewé 18.[5] Ce phénomène est expliqué par le fait qu’ainsi ils seront capables de construire des liens avec leurs collègues, d’avoir des conseils et, éventuellement, d’avoir la possibilité d’effectuer un concours interne.
De plus, d’autres éléments ont été mentionné par les personnes interrogées :
- Certaines d’entre eux n’ont pas le désir d’entreprendre une carrière de manager (l’Interviewé 22)[6];
- Certaines veulent poursuivre leur carrière dans une Délégation de l’UE (l’Interviewé 20)[7], qui ne relève pas de la Commission[8];
- D’autres opportunités existent hors de la Commission Européenne (l’Interviewé 4)[9];
- La pandémie de Covid-19 a bloqué les concours ces dernières années (l’Interviewé 7)[10].
Enfin, il est intéressant aussi de comprendre les raisons pour lesquelles ils décident de poursuivre une carrière au sein de l’institution. Il y a notamment le fait que les conditions de travail au sein de la Commission sont meilleures de celles rencontrées en Italie, comme le dit l’Interviewé 16 [11]. Leurs sentiments pro-européens et fédéralistes, la forte croyance dans l’Union Européenne est également un facteur important, comme le dit Interviewé 3.[12]
Il aurait été intéressant de faire une comparaison avec la situation des Italiens au sein de la Commission dans les années précédant la réforme de 2000. Toutefois, cela n’a pas été possible en raison de l’absence de statistiques sur cette période : celles-ci ne sont pas disponibles sur le site officiel de la Commission et nos tentatives de les récupérer par d’autres moyens ont également été infructueuses. Nous avons donc décidé de nous limiter à l’objectif de comprendre si le concours, tel qu’il est actuellement structuré, pourrait être l’un des facteurs influençant la position des Italiens au sein de cette institution européenne.
En conclusion, nous pensons que notre recherche peut quand même enrichir la littérature existante sur ce sujet. En effet, s’il existe de nombreuses études sur la Commission, il y en a peu qui se concentrent sur la position des Italiens en son sein et sur leur relation avec le concours. C’est d’ailleurs ce facteur qui nous a poussés à choisir ce thème et à mener cette recherche, dans l’espoir qu’elle puisse donner des pistes de réflexion pour des travaux ultérieurs sur le sujet.
[1] “It’s the multiple-choice computer based […] so you have a numerical, verbal, abstract”. l’Interview 21, Contract Agent, Teams application, 13 Mai 2022.
[2] “[…] the main difficulty was being able to improve on the computer-based tests. In particular, I had a problem with the abstracts, I couldn’t understand them at all”. Interview, Permanent Official, by phone, 6 Mai 2022.
[3] “I think that multiple choice tests on general knowledge were more suitable to the Italian educational system than the logical mathematical one that they do [the Competition] today”. Interview, Permanent Official, WebEx application, 16 Mai 2022.
[4] “Yes, we help each other, and it is definitely the best way to increase one’s chances”. Interview, Temporary Staff, Bruxelles, 6 Mai 2022.
[5] “[…] for us as young people we really want to put a step into the institution, so we do accept this kind of position even if technically we’re over skilled”. Interview, Contract Agent, Teams application, 12 Mai 2022.
[6] “I talked to people and there are some people who can make this kind of reasoning, […] do you want to apply for this job as the Head of Unit? And like, No, No, I’m fine as a Team Leader, which is like. Oh, Bizarre”. Interview, Contract Agent, Bruxelles, 13 Mai 2022.
[7] “Where do I see myself? It’s a really good question. […] Perhaps in a Delegation, I would really like to work abroad”. Interview, Permanent Official, Teams application, 13 Mai 2022.
[8] Décision du Conseil du 26 juillet 2010 fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (2010/427/UE), J.O., L. 201, 3.8.2010, pp. 30-40.
[9] “However, I’m still playing with the idea of the diplomatic service […]. The only one who would snatch me away will be the Italian diplomatic service”, Interview, Permanent Official, Bruxelles, 6 Mai 2022.
[10] “Pour l’instant, il n’y a pas eu de concours dans les dernières années, donc concours généraliste, si je me souviens bien au moins… pendant la COVID je pense pas donc j’ai pas encore eu l’occasion depuis que je suis rentrée à la Commission”. Interview, Temporary Staff, Bruxelles, 5 Mai 2022.
[11] “[…] in Italy […] you’re exploited as a young person until you are 40 years old. Getting really. You know, low paid and being treated really badly”. Interview, Contract Agent, Bruxelles, 11 Mai 2022.
[12] “I strongly believe in the motto “United in diversity” and I think we should all support a European Union more and more united”, Permanent Official, Bruxelles, 3 Mai 2022.