[GROUPE 3] : Billet collectif N°2 – Le capital international des étudiants du Master en Relations Internationales à l’ULB

[GROUPE 3] : Billet collectif N°2 – Le capital international des étudiants du Master en Relations Internationales à l’ULB

À travers ce travail, nous avons essayé de déterminer comment les étudiants du Master en Relations Internationales de l’ULB acquièrent leur capital international.

Pour ce faire, nous avons commencé par appréhender une approche du capital international comme concept, en mettant l’accent sur sa dimension culturelle et sociale. Ici, nous le considérerons comme un ensemble de connaissances, de compétences, d’attitudes et de relations que les individus acquièrent grâce à des expériences internationales, et qui leur permettent de naviguer dans des contextes culturels différents (Bréant et al., 2018).

Ce capital international n’est pas distribué de manière égale entre tous les individus, aussi Wagner le considère-t-il comme un marqueur de classe, de différenciation (Wagner, 2020). Toutefois, il existe différentes modalités pour en acquérir davantage, dont certaines seront mises en lumière dans le cadre de ce travail.

Ensuite, nous avons utilisé la théorie de la socialisation développé par Coleman pour étudier le rôle des réseaux sociaux et des interactions sociales dans l’acquisition de compétences et de connaissances (Coleman, 1988), ainsi que le concept de capital humain de Becker pour encourager l’investissement dans l’éducation et la formation (Becker, 1994).

Nous avons également mobilisé la théorie de la motilité de Kaufmann et Widmer, entendu comme « la manière dont un individu ou un groupe fait sien le champ du possible en matière de mobilité et en fait usage » (Kaufmann et Widmer, 2005, p.200). En tant que tel, le concept de motilité est associé à la capacité d’une personne à agir, géographiquement et socialement, pour atteindre ses objectifs et mobiliser les ressources nécessaires pour atteindre ceux-ci (Kaufmann et Widmer, 2005).

Enfin nous avons collecté, par le biais d’un questionnaire en ligne, des données quantitatives autour des expériences de mobilité, des interactions sociales et des compétences linguistiques des étudiants du Master en Relations Internationales de l’ULB. Par la suite, nous avons analysé ces données à l’aide de méthodes statistiques afin de déterminer les facteurs les plus influents dans l’acquisition de capital international chez ces étudiants.  

Les résultats

  • Argument 1 : L’entourage

Hypothèse 1 : Les étudiants en Master en Relations Internationales à l’ULB acquièrent leur capital international à travers deux dimensions du capital humain : l’éducation et la formation académique.

Grâce aux réponses à notre questionnaire, nous avons constaté que le développement du capital humain peut être considéré comme une des modalités ou stratégies (conscientes ou non) permettant l’acquisition de capital international chez nos répondants. Le capital humain tel que nous l’avons défini est appréhendé notamment à travers le nombre de langues parlées, ou encore, de par le lien du répondant avec l’international à travers son entourage (ami(es), famille). Ensuite, l’acquisition du capital international peut s’effectuer aussi à travers la formation académique, celle-ci comprenant ; l’échange linguistique, le stage à l’étranger, disposer d’un diplôme étranger, envisager une carrière à l’étranger, mais encore par le fait d’avoir fréquenté une école bilingue, européenne ou internationale.  

Dans un premier temps, nous avons relevé un haut taux de polyglotte parmi nos répondants. En effet, ces derniers parlent majoritairement 3 langues (38,9%), voire plus de trois langues (34,3%). Parmi celles-ci et hormis le français, 3 langues étrangères internationales sont exprimées dans nos résultats, dont l’anglais, l’italien ou encore l’arabe.

En ce qui concerne l’entourage, nous avons pu déceler que la majorité de nos répondants entretiennent des liens avec l’international davantage par le biais des ami(es) (88%) que par le biais de la famille (73,6%). Un autre élément significatif relevé est que le capital humain de nos répondants se construit notamment par le lien qu’entretiennent les parents avec l’international. En effet, à travers notre recherche nous avons découvert que la majorité des parents entretiennent des liens avec l’international (66%), que ce soit à travers le fait d’avoir des amis à l’étranger (82,2%), de travailler dans une langue étrangère (39,7%), d’avoir des amis étrangers vivant à Bruxelles (37%), ou encore de travailler dans un pays étranger (35,6%). Cet accès privilégié à l’international peut permettre à nos répondants d’acquérir davantage de capital international et notamment, de leur faciliter l’obtention d’un emploi à l’étranger. De fait, et d’après nos répondants, les liens qu’entretiennent les membres de leur famille avec l’international leur permettraient davantage d’accéder à un emploi à l’étranger (49,5%) plutôt que leur permettraient leurs ami(es) (42,6%).  

Notre énoncé émet aussi l’hypothèse que la dotation du capital international s’acquière également à travers la formation académique. Néanmoins, cette hypothèse ne se vérifie pas totalement dans notre étude. En effet, la majorité de nos répondants n’ont ni effectué d’échanges linguistiques (76,8%), ni de stages à l’étranger (82,4%) ni d’Erasmus (74,8%). De plus, nos répondants n’ont pas non plus fréquenté des écoles internationales (90,7%), d’écoles européennes (96,3%), ou encore d’écoles bilingues (89,6%). Cependant, nous avons pu tout de même discerner une envie de la part de nos répondants de mener une carrière à l’international (86,1%) et d’effectuer un stage à l’international (54,3%).   

En guise de conclusion, nous constatons que la majorité de nos répondants entretiennent des liens avec l’étranger que ce soit à travers les ami(es) ou des membres de la famille. De plus, les parents de nos étudiants entretiennent aussi de nombreux contacts avec l’international, ce qui implique que la transmission du capital international des parents à nos répondants est possible.  En effet, l’entourage et plus particulièrement la famille, peuvent s’avérer être des canaux par lesquels le répondant pourrait obtenir un emploi à l’international et donc acquérir du capital international. En revanche, à côté de l’envie d’envisager un stage ou une carrière à l’étranger, la formation académique comme moyen de dotation en capital international par le biais de stage, d’Erasmus, d’échange linguistique ou d’obtention de diplôme étranger, ne semble être qu’une stratégie secondaire utilisée par nos répondants.

  •  Argument 2 : Le choix d’étude  

Hypothèse n°2 : Le capital international fonctionne comme un capital symbolique dont les étudiants en Relations Internationales de ULB bénéficient.  

À la suite de la lecture du texte de Tugba Basaran et Christian Olsson « Becoming International : On Symbolic Capital, Conversion and Privilege », nous constatons que le capital international fonctionne comme un capital symbolique. Le capital symbolique fait référence à l’ensemble des symboles culturels et des signes qui sont valorisés dans une société donnée. Dès lors, le capital international tout comme le capital symbolique, fluctue en fonction de ce qui est valorisé au sein de la société.  Ainsi certaines variables comme le lieu de résidence, les langues parlées, l’endroit où vous avez fait vos études, jouent symboliquement sur votre dotation en capital international.

En vivant à Bruxelles, nous pouvons dire que nous sommes privilégiés et jouissons d’un capital symbolique élevé, ce qui se traduit pleinement au regard des résultats de notre questionnaire. En effet,  nous avons d’abord été surpris par le faible nombre de répondants voulant ou ayant déjà effectué un voyage linguistique ou un Erasmus. De fait, seulement 25,5% de nos étudiants ont effectué un voyage Erasmus, et seulement 23,1% un échange linguistique. Nous appréhendons ces résultats comme reflétant le fait que les voyages Erasmus ou linguistiques sont réalisés dans la grande majorité pour connaître une nouvelle langue internationale, augmentant ainsi le niveau de capital international de nos étudiants. Cependant, par la situation géographique de nos étudiants – à savoir qu’au moins 95,3% d’entre eux vivent dans un pays qui a pour langue nationale le français, reconnue comme une langue internationale – l’intérêt d’apprendre une nouvelle langue internationale peut baisser. En effet, on estime qu’un étudiant Hongrois aura lui plus intérêt à effectuer un voyage linguistique en vue d’apprendre une langue internationale. De plus, en ce qui concerne la Belgique, nous avons une forte concentration d’école bilingue ou internationale, ce qui discrédite également les voyages linguistiques. En effet, nous comptons 22,2% de nos étudiants ayant eu recours à ce type d’établissement. 

Ensuite, à côté des voyages linguistiques et des programmes d’échanges Erasmus ou équivalents, nous avons relevé que 70,3% de nos étudiants veulent ou ont effectué un stage à l’étranger. Cette tendance peut être analysée en termes d’investissement. Etant donné que 95,5% de nos étudiants parlent au moins 2 langues internationales, l’investissement dans une formation au travers d’un stage à l’étranger rapportera plus de capital international que l’apprentissage d’une nouvelle langue internationale pour nos étudiants.  

Pour conclure, cette partie a eu pour but de démontrer comment le lieu géographique, dans notre cas la Belgique, peut jouer un rôle positif dans la dotation de capital international puisque ce lieu est symboliquement plus prestigieux dans ce type de capital. En effet, dès notre naissance nous avons acquis une langue internationale, nous pouvons dès lors passer plus de temps à compléter notre Curriculum au travers de stage et jouissons également du lieu dans lequel nous réalisons notre diplôme grâce aux nombreuses institutions dont compte Bruxelles, et dont 44% des étudiants ont pris compte lors de leurs choix d’étudier ici. 

  • Argument 3 : Les expériences passées et aspirations futures 

Hypothèse n°3 : La dotation du capital international des étudiants du Master en Relations Internationales de l’ULB passe par la motilité. 

Le concept de motilité, ou capital de mobilité, s’exprime en addition des autres capitaux énoncés par Bourdieu, comme celui de capital international, social, économique ou encore symbolique. Cette motilité définit par Widmer et Kaufman, doit être comprise comme étant : « la manière dont un individu ou un groupe fait sien le champ du possible en matière de mobilité et en fait usage » (p 200 ; 2005). Dans le monde du travail actuel, ces auteurs soulignent l’importance de ce capital dans un parcours professionnel en vue d’une mobilité ascendante. C’est à travers la motilité et sa transformation en mobilité, en stratégies de déplacement en vue de l’acquisition de capital international, que nous analyserons ce concept en vue de démontrer notre hypothèse. 

 Au départ, nous supposions qu’une majorité d’étudiants de notre master aurait déjà mené différentes tentatives en vue d’acquérir davantage de ce capital -qui est un moyen parmi d’autres, nous le rappelons, d’acquérir ce fameux capital international-, mais nos hypothèses furent ébranlées quelque peu face aux résultats obtenus. Parmi ceux-ci nous découvrons que seulement 25,2% de nos répondants ont déjà effectué un Erasmus à l’étranger et que 15,7% uniquement envisageraient d’en faire un à l’avenir. Également, que 23,1% ont déjà effectué un échange linguistique de type EF ou WEP et seulement 10,2% envisageraient en faire un à l’avenir. Pareillement, seul 17,6% de nos répondants ont déjà effectué un stage à l’étranger. Les quelques manifestations d’une envie plus nette d’acquérir du capital international par la mobilité chez nos répondants, s’expriment dans l’intention de ceux-ci d’effectuer un stage à l’étranger à l’avenir (54,3%), et à travers un nombre non négligeable d’étudiants ayant un diplôme étranger (21,7%).  

Cette faible dotation en motilité par la mobilité se traduit également dans les motivations de voyages à l’étranger chez nos étudiants. Même si 42,6% de nos répondants voyagent plus de 3 fois par an à l’étranger, les principaux bénéfices que ceux-ci recherchent dans ces voyages sont avant tout la découverte de tradition différentes, de cultures étrangères (97,2%), et seulement en 3ème position, en vue d’acquérir des compétences professionnelles (35,2%). 

Néanmoins, nous ne dénigrons pas l’importance des contacts, des relations des étudiants avec des membres de leur famille ou des ami(e)s, comme permettant de renforcer ce capital de mobilité et par la suite d’acquérir davantage de capital international. En effet, 66,1% des voyages des étudiants à l’étranger s’effectuent dans un cadre de visite familiale ou amicale (notamment la visite d’un conjoint), 88% des étudiants entretiennent des liens avec des amis résidants ou ayant résidés à l’étranger et 73,6% avec des membres de leur famille. Ces relations pourraient être mobilisées dans l’objectif d’obtenir un emploi à l’étranger selon les réponses de nos répondants. Parmi ceux-ci, 49,5% estiment qu’un ou des membres de leur famille pourraient les aider dans ce domaine, tandis que 42,6% pourraient bénéficier de l’aide d’ami(e)s.  

Pour résumer, le phénomène d’acquisition de capital international à travers la motilité est une entreprise que nous avions bien constaté à travers les réponses de nos répondants, bien que dans des mesures plus limitées que nous le pensions. Nous avons surtout remarqué que cette motilité pourrait être facilitée par les liens que nos répondants entretiennent avec des membres de la famille ayant résidés ou résidants à l’étranger, ainsi qu’avec des ami.e.s ayant habités ou habitants à l’étranger et disposant de contacts permettant la facilitation de l’obtention d’un emploi à l’international pour nos étudiants. Nous émettons finalement l’hypothèse que cette entreprise de mobilité à l’étranger pourrait être facilitée pour les étudiants ayant des parents hautement diplômés, ce que la littérature nous confirme (Gérard & Voin, 2013) mais que nous ne pouvons pas certifier au vu de nos résultats. 

Bibliographie :

  • Becker, G. (1994) Human Capital : A Theoretical and Empirical Analysis with Special Reference to Education, Third Edition, National Bureau of Economic Research. Pp. 15-28 http://www.nber.org/books/beck94-1  
  • Bourdieu, P. (1992). « Les règles de l’art: Genèse et structure du champ littéraire ». Editions du Seuil. p. 222  
  • Bourdieu, P. (1993). « Les trois formes de la domination masculine ». Actes de la recherche en sciences sociales, (101), 2-23. 
  • Bréant, H., Chauvin, S & Portilla, A. (2018). « Les migrations internationales à l’épreuve du capital social ». Actes de la recherche en sciences sociales, 225, pp. 8-13.
  •  Fournier, M. (2008). « Les Héritiers ». Dans : Jean-François Dortier éd., Pierre Bourdieu: Son œuvre, son héritage (pp. 19-24). Auxerre: Éditions Sciences Humaines. https://doi.org/10.3917/sh.colle.2008.02.0019.  
  • Gérard, M. & Voin, M. (2013). La mobilité étudiante et ses conséquences pour l’internationalisation du marché du travail. Reflets et perspectives de la vie économique, LII, 61-79. https://doi.org/10.3917/rpve.524.0061 
  • González-Monteagudo, J. (2016). Transitions et transformations des étudiants internationaux en contextes de mobilité académique. Pensée plurielle, 41, 111- 122. https://doi.org/10.3917/pp.041.0111.  
  • Kaufmann, V. & Widmer, É. (2005). L’acquisition de la motilité au sein des familles: État de la question et hypothèses de recherche. Espaces et sociétés, 120-121, 199- 217. https://doi.org/10.3917/esp.120.0199.  
  • Wagner, A. (2020). III / Le capital international, instrument de domination culturelle et sociale. Dans : Anne Catherine Wagner éd., La mondialisation des classes sociales (pp. 43-69). Paris: La Découverte.  

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