[GROUPE 2] Billet collectif – Diaspora palestinienne face aux représentations du conflit israélo-palestinien en Belgique
Introduction
Notre travail de recherche porte sur la perception du conflit israélo-palestinien en Belgique par la diaspora palestinienne et son influence sur les interactions entre la diaspora et les institutions belges. Nous avons utilisé les concepts de diaspora, représentation et inbetweenness pour mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre. La diaspora est un mouvement de population ou un groupe déplacé d’un lieu et prenant résidence dans un autre pays. En étudiant la diaspora palestinienne en Belgique, nous avons cherché à comprendre comment les représentations du conflit israélo-palestinien influencent les interactions avec les institutions belges. Les représentations sont des images mentales ou des idées qu’une personne se fait d’un objet, d’un concept, d’un groupe social ou d’une situation. Elles peuvent être influencées par des facteurs tels que l’âge, le genre, la culture, la classe sociale et les expériences de vie. Les représentations peuvent également être utilisées pour analyser les attitudes et les croyances d’un groupe ou d’une société sur des sujets tels que la politique, la religion, la santé, la sexualité et la justice sociale. L’in-betweenness fait référence au degré auquel un individu ou un groupe occupe une position entre d’autres individus ou groupes au sein d’un système social. Dans le cas présent, il s’agit de l’espace qu’occupent les Palestiniens majoritairement de la deuxième génération dans la société belge et palestinienne. Ni totalement intégrés ni totalement palestiniens, ils s’efforcent de conserver un attachement avec la Palestine tout en faisant leur vie en Belgique. Nous avons mené des entretiens semi-directifs avec des Palestiniens vivant en Belgique ou des descendants de Palestiniens vivant à Bruxelles âgés de minimum 16 ans, sans discrimination de genre, de niveau d’étude ou de milieu socio-économique. Nous avons utilisé un questionnaire avec des questions orientées sur la perception du discours médiatique belge sur le conflit israélo-palestinien ainsi que les rapports avec l’État et ses institutions. Nous avons utilisé une méthode d’analyse de discours et d’analyse de cadrage, qui sont plus adapté à l’approche inductive, permettant d’analyse comment les acteurs politiques et sociaux construisent du sens, un schéma d’interprétation de la réalité, en l’articulant autour d’une ou plusieurs idées principales constituant un “cadre” d’interprétation. Nous avons créé une grille d’analyse dans laquelle nous croisons les réponses obtenues afin de voir s’il y a un pattern qui se répète dans celles-ci.
Axe I – La perception des Palestiniens des représentations du conflit par les médias belges et par l’État belge
Dans cet axe, la perception des Palestiniens en Belgique quant à la représentation du conflit israélo-palestinien par les médias et l’État belges est examinée. Les résultats montrent que les interviewés sont divisés quant à la différence entre les représentations de l’État et des médias belges. La moitié des interviewés font la différence entre la neutralité des médias et le soutien non-officiel de l’État à la cause palestinienne. L’autre moitié ne voit pas de différence entre les deux.
a. La perception des Palestiniens des représentations du conflit par les médias belges
La perception des Palestiniens de la représentation du conflit par les médias belges est presque homogène et caractérisée par un manque généralisé de confiance envers les médias traditionnels belges. Les interviewés estiment que les médias ne représentent pas de manière intégrale le conflit israélo-palestinien, qui est montré comme un enjeu humanitaire plutôt que politique. Certains interviewés estiment que cela est dû aux intérêts européens et à la loi du « mort-kilomètre » qui diminue l’empathie envers les victimes lointaines. D’autres soulignent un double standard dans les médias belges quant au traitement du conflit israélo-palestinien par rapport à celui en Ukraine. Certains interviewés pensent également que les médias belges soutiennent Israël. Les Palestiniens interviewés préfèrent s’informer sur les médias palestiniens ou Al Jazeera pour obtenir une vision plus proche du conflit, ou encore sur les réseaux sociaux.
b. La perception des Palestiniens des représentations du conflit par l’État belge
Quant à la représentation du conflit par l’État belge, les interviewés ont une perception mitigée. Certains estiment que l’État belge est impartial, tandis que d’autres pensent qu’il soutient Israël. Les interviewés qui estiment que l’État belge soutient Israël se basent sur la relation économique entre la Belgique et Israël.
En général, les interviewés pensent que l’État belge devrait adopter une position plus ferme envers Israël et devrait jouer un rôle plus actif dans la résolution du conflit.
Axe II – Rapport des Palestiniens avec les institutions belges
a. Interaction journalière
Les relations existantes entre les personnes issues de la diaspora belge et les institutions belges ne sont pas toujours simples. En effet, ils reconnaissent a la fois les avantages sociaux ainsi que les droits que les insitutions belges leurs permettent d’obtenir, mais denoncent egalement les eventuelles discrimination et a priori auxquels ils ont pu etre confrontés en raison de leurs origines ou de leur status d’immigré. Au dela de l’abscence de soutien envers la Palestine que denoncent certaines personnes, c’est egalement les challenge que rencontrent ces personnes face aux institutions que ceux-ci condamnent: discrimination, racisme, complication lors des processus administratifs,… La vision que possèdent les personnes issues de la diaspora palestinienne envers les institutions belges dépend de nombreux éléments tels que leur histoire personnelle, leurs situation socio-économique, leur rapport à la politique, etc. La principale institution belge évoquée par les personnes avec qui nous avons discuté lorsque nous avons abordé leur rapport aux institutions est celle du système scolaire Belge. Plusieurs de nos sujets ont dénoncé le racisme, la xénophobie ainsi que l’islamophobie dont ils ont été victimes de la part des professeurs et autres élèves au cours de leur parcours scolaire au sein du système Belge. Si Derar évoque précisément ses origines palestiniennes comme raison à ces différences de traitement, les autres lient ces comportements plus generalement au fait detre arabo-musulman. En ce qui concerne les forces de l’ordre aucun de nos sujets n’a jamais eu de problème avec la police en raison de leurs origines palestiniennes, ils soulignent respecter les lois et les règles et attendent le même traitement des forces belges en retour. Karim évoque toutefois se faire discret en raison de leur statut d’immigré. Plusieurs des sujets que nous avons interviewés dénoncent les conditions auxquelles ils ont dû faire face en tant qu’immigré palestinien lors du processus administratif de demande d’asile avec les insitutions belges lors de leur arrivée en Belgique. Selon eux, c’est le système d’accueil des réfugiés qu’il faut en priorité revoir en Belgique. Comme l’affirme Leila: Si on a des questions ou un problème ce n’est pas forcément vers les ambassades Belges qu’il faut se tourner pour avoir des réponses.Globalement, le positionnement des institutions en ce qui concerne le conflit Israelo-Palestinien, ne semble pas reellement avoir d’impact sur la vision et la facilité qu’on ceux-ci a se retourner vers les institutios belges lorsqu’ils en ont besoin. Malgré certains ressentis concernant le trop grand souci d’impartialité ou les positionnements de l’Etat Belge, parfois jugés pro-Israël, les personnes concernés le comprennent car ils le qualifient de choix « logique ». Malgré les quelques mauvaises expériences énoncés ci-dessus, certains n’ont jamais rencontré de problèmes au sein des institutions belges et ont même une bonne image de ce que celles-ci ont eu à leur offrir. Prenons en exemple Barra, estimant avoir un très bon rapport à ces institutions, ayant eu des facilités à l’école, ayant passé son permis et reconnaissant même l’avantage de bénéficier d’aides offertes par l’État belge comme le CPAS. Ou encore Khaled ou Mohammad ayant vécu des expériences similaires. Globalement les avis restent donc mitigés entre les différents témoignages, même si la plupart ont rencontré ou ont eu des proches ayant subi des injustices de la part des institutions belges ayant plus ou moins pu influencer sur leur vision de celles-ci, ils n’ont aucun souci à se référer à eux en cas de besoin.
b. L’engagement institutionnel
Plusieurs études affirment que le conflit palestinien a une influence significative sur les choix politiques de la diaspora palestinienne en Europe, en particulier en ce qui concerne l’engagement militant et le soutien aux positions politiques palestiniennes. Pourtant la totalité de nos intervenants affirment faire une séparation entre leurs votes et la position du parti concernant le conflit palestinien.
L’engagement militant de la diaspora palestinienne en Europe peut être compris comme un processus dynamique de construction sociale qui reflète l’interaction complexe entre les acteurs, les idées et les institutions.
La majorité des intervenants se considèrent comme militant pour la cause palestienne ou comme l’ayant été, bien qu’il existe quelques exceptions allant même jusqu’à un désengagent politique total. L’engagement via différentes institutions est fréquent, par le biais de conférence réalisée dans le but d’informer sur le conflit, d’association culturelle palestienne ou via l’université.
En outre, des cercles informels tels que les rassemblements familiaux et les événements communautaires peuvent également offrir des opportunités pour la diaspora palestinienne en Belgique de se connecter avec leur culture et leur identité palestinienne, ainsi que de renforcer leur solidarité envers leur pays d’origine. Les intervenants privilégient les cercles courts d’entraide et se montrent plus méfiants envers certains groupes que certains qualifiaient de radicaux.
Conclusion
Dans le cadre de ce travail nous avons pu remarquer que les représentations du conflit israélo palestinien en Belgique malgré qu’elles soient présentées par les médias comme objective pouvaient être perçue par la diaspora palestinienne de manière partiale et partielle du fait qu’elle a accès à des sources d’informations plus proche des lieux du conflit. Pour la diaspora palestinienne l’état belge partage aussi la position de partialité en faveur d’Israël. Toutefois cela ne semble pas avoir d’influence sur les rapports quotidien entre la diaspora palestinienne et celui-ci. L’influence est du conflit est plus large et diffuse et impacte surtout la manière dont les Palestiniens organisent leur vie sociale et culturelle en créant des associations culturelles pour promouvoir leur culture dans un devoir de mémoire ou en s’impliquant politiquement à plusieurs niveaux dans le but de défendre de leur droit à l’extérieur et extérieur du pays de résidence ainsi que le droit à l’autodétermination de l’état Palestinien. Les interactions négatives semblent être dues à un contexte plus large d’islamophobie et de racisme. En général il semblerait que la diaspora se trouve dans une position ambivalente ou ils ne se sentent pas totalement acceptés dans leurs états hôtes et se voit refuser un état palestinien.
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