[GROUPE 9 – Evolution du capital culturel des diplomates de pays tiers à Bruxelles ] Billet collectif n°1
La forte présence de bureaucraties à Bruxelles peut être facilement attribuée au fait qu’elle abrite les institutions de l’Union européenne. La bulle bruxelloise : ses procédures, ses institutions, ses mandats, ses politiques et sa politique sont fortement étudiés par les universités et les groupes de réflexion européens, dans le but de former les futurs fonctionnaires européens. Cependant, les corps diplomatiques accrédités à Bruxelles ne couvrent pas seulement les 27 États membres de l’UE, mais aussi tout autre État désireux d’élargir ses liens diplomatiques avec l’Europe. Des pays tiers sont également présents dans les corps diplomatiques accrédités à Bruxelles. Le processus de recrutement et de formation des diplomates dans un contexte éloigné de l’Europe suppose que les fonctionnaires en poste à Bruxelles peuvent bénéficier d’un avantage si leur parcours académique et leurs expériences passées sont étroitement liés à l’Europe ou au contraire peuvent rencontrer des difficultés si leur carrière s’est développée uniquement au niveau national.
À première vue, les diplomates des pays tiers arrivent à Bruxelles avec une carrière construite en dehors de l’écosystème européen, avec la mission de promouvoir leur intérêt national et, dans une certaine mesure, leur propre parcours professionnel. L’objectif du présent projet est d’aborder la mobilisation du capital culturel individuel des diplomates de pays tiers dans le champ de la diplomatie afin de mener à bien leur travail diplomatique quotidien à Bruxelles. Dans ce sens, la notion de capital culturel de Bourdieu nous permet d’identifier le capital institutionnel, incarné et objectivé dont sont dotés les diplomates interviewés et si ce capital leur permet d’établir des relations formelles et informelles avec les fonctionnaires de l’UE qui façonnent leur travail quotidien. À cette fin, la pertinence de se concentrer sur les diplomates de pays tiers est due au contexte culturel différent qu’ils peuvent avoir, bien que l’on puisse prévoir qu’en tant que diplomates ils soient déjà dotés d’une langue internationale, dans la plupart des cas l’anglais, d’un titre universitaire et d’un habitus international.
Par conséquent, cela nous amène à formuler notre question de recherche de la manière suivante “Comment le capital culturel peut-il influencer les pratiques d’un diplomate de pays tiers et comment celui-ci évolue-t-il au cours de sa carrière à Bruxelles ? Le cas du Laos, de la Colombie et du Burundi.”
Comme point de départ théorique, nous nous inscrivons dans une approche constructiviste. Nous avons décidé de choisir cette approche théorique car le constructivisme étudie la construction sociale d’un phénomène. Le constructivisme est défini comme “une approche de compréhension du monde qui met l’accent sur l’importance du contexte social et culturel (les idées, les idéologies et les identités) dans la formation du développement humain”. Nous cherchons à comprendre comment le capital culturel d’un diplomate joue sur sa carrière. C’est donc au fil de notre enquête que nous pourrons construire des hypothèses et tirer des conclusions afin de comprendre comment le capital culturel s’acquiert, se construit et comment il devient utile dans les interactions quotidiennes des diplomates avec la bureaucratie européenne. Nous ne partons pas d’un postulat déjà émis et nous adoptons donc une approche inductive. Le constructivisme permet d’utiliser des méthodes qualitatives et non quantitatives car les données étudiées sont difficilement quantifiables, ce qui est notre cas.
Notre recherche sera basée sur les données recueillies auprès des diplomates des Ambassades du Laos, de la Colombie et du Burundi. Ce choix est dû à la facilité d’obtenir des entretiens avec les membres de ces Ambassades. Notre terrain de recherche serait Bruxelles, le centre des institutions européennes. L’Union européenne joue un rôle majeur pour les aides au développement et le financement dans ces pays : elle est la quatrième partenaire commerciale du Laos. Pour la période 2016-2020, elle a accordé plus de 500 millions d’euros pour que le pays sorte de la catégorie des pays les moins avancés. Elle est également le premier partenaire pour le Burundi dans le domaine du développement, comme entre autres les aides dans les secteurs de la santé et des infrastructures. Enfin, L’UE est aussi une partenaire clé de la Colombie en matière commerciale et de paix. La présence des diplomates de ces pays permet de représenter et de faciliter les coopérations multilatérales et bilatérales entre leur pays et l’UE. Notre recherche a pour but d’établir à quel point les diplomates peuvent se servir de leur capital culturel pour entamer des relations quotidiennes avec la bureaucratie européenne et ainsi mobiliser leur agenda politique. La sélection des diplomates de ces trois pays nous permet d’avoir des perspectives venant de trois continents différents qui ont en commun une relation culturelle avec l’Europe, des relations commerciales et de coopération ainsi qu’une histoire partagée de liens coloniaux.
La méthode de collecte des données que nous allons réaliser est la méthode des entretiens. Effectuer plusieurs entretiens avec les diplomates va nous permettre de comprendre leur activité quotidienne afin d’identifier la manière dont ils mettent en valeur leur propre capital culturel et la complexité à laquelle ils sont confrontés au sein de la capitale européenne. Nous allons procéder à des entretiens semi-directifs. Il s’agira d’entretiens d’approfondissement, c’est-à-dire pour approfondir les connaissances sur notre thème de recherche. L’objectif principal des entretiens menés avec les diplomates serait de voir comment leur capital social pourrait avoir un rôle essentiel durant leurs missions diplomatiques ; ainsi que les expériences qu’ils vont obtenir en retour de la diplomatie européenne. La procédure sera de laisser à la personne interrogée la liberté de parole tout en restant encadrée par des thèmes précis annoncés au préalable.
Bibliographie:
Bourdieu, P. (1986). The Forms of Capital. In J. Richardson (Ed.), Handbook of Theory and Research for the Sociology of Education
Nguyên-Duy, V., Luckerhoff, J., Constructivisme/positivisme : où en sommes-nous avec cette opposition? Recherches qualitatives, Hors Série, numéro 5, pp. 4-17. Actes du colloque RECHERCHE QUALITATIVE : LES QUESTIONS DE L’HEURE, université de Laval
Coman, R., Crespy, A., Louault, F., Pilet, J. B., Van Haute, E., & Morin, J. F (2016). Méthodes de la science politique: De la question de départ à l’analyse des données. De Boeck Supérieur