[GROUPE 1] Billet collectif – Science po ULB: L’internationalisation des carrières universitaires
S’il est a priori rattaché au contexte économique, le concept de globalisation se définit plus largement par un ensemble de processus transformant les relations sociales, les structures, les réseaux d’activité et les interactions transcontinentales et interrégionales (Held & McGrew, 2000). Ainsi, dans son approche sociologique, l’étude de la globalisation s’intéresse au capital international des acteurs sociaux. Étudiant à l’université, c’est tout naturellement que notre attention s’est portée sur ceux qui nous entourent : nos enseignants. En effet, nombreux sont venus enseigner à l’Université Libre de Bruxelles depuis un autre pays, internationalisant de ce fait leur carrière. Par ailleurs, la diffusion de classements internationaux à l’instar du Times Higher Education qui évaluent les Universités en fonction du pourcentage d’étudiants et de membres du personnel d’origine étrangère, ont conduit les universités à s’adapter à la mise en concurrence pour l’obtention de financements de projets de recherche et revoir leur mode de gestion et de gouvernance par l’introduction de logiques marchandes (New Public Management) au sein des administrations. Nous chercherons donc à comprendre de quelles manières les pratiques de recrutement des Universités contribuent à définir les règles du jeu du marché universitaire et à structurer les comportements adoptés par les académiques.
Ainsi, nous nous intéressons à la carrière des professeurs titulaires à l’Université Libre de Bruxelles et à l’importance du rapport à l’international dans les processus de recrutement. Nous comparerons plus particulièrement les expériences entre les filières de Sciences politiques orientation générale et relations internationales étant celles qui nous concernent le plus directement. Le domaine des Sciences politiques appelle souvent à avoir une expérience internationale, il serait intéressant de voir comment cela influe dans le cadre de ces différentes spécialisations et si cela a le même impact, la même importance. Nous cherchons ainsi le lien entre l’internationalisation et la carrière des enseignants. Cela nous permettra de mettre en avant les variables qui influent sur le recrutement, au niveau de l’importance donnée à l’international (étude à l’étranger, pays d’origine, réseau créé par les expériences à l’étranger…) ou encore au niveau de la trajectoire personnelle (motivation de la personne à venir à Bruxelles, intérêts personnels, par exemple salarial, influence de la famille, définition de la personne de ce qu’est l’internationale…). Nous sommes donc intéressés plus généralement par le système de recrutement de l’ULB dans ces filières de Sciences politiques et l’importance donnée à l’expérience internationale, ainsi que la façon dont les professeurs appréhendent cette partie de leur carrière et les effets de Bruxelles pour eux. La mobilité dans la formation se traduit-elle par une plus grande internationalisation des activités de recherche (collaborations pour des projets recherche, obtention de financements internationaux, copublications…) ? Par ailleurs, la conduite d’une carrière moins internationalisée engendre-t-elle des coûts dans l’évolution des carrières ?
De fait, notre réflexion nous a poussés à choisir comme question de recherche et problématique : SciencePo ULB : Comment les pratiques universitaires et l’internationalité de la carrière des chercheurs se façonnent-elles mutuellement ?
Afin de rendre compte des pratiques et règles du jeu structurant une configuration universitaire particulière, nous analyserons l’internationalisation du corps enseignant de l’ULB au regard des conditions de recrutement. En effet, puisque l’internationalisation de la carrière est un moyen pour les universités d’accumuler du capital matériel et symbolique, elle est perçue par celles-ci comme un facteur de distinction et de sélection sur le marché académique. L’internationalisation de la profession est le produit de modes de sélection et de fenêtres d’opportunités déterminées par les organisations universitaires. L’étude des conditions d’accès à un poste d’enseignant-chercheur sera alors un moyen d’analyser sur quels critères s’exerce le jugement lors d’un recrutement du département. Nous tenterons alors d’expliquer la variabilité de l’importance accordée à l’internationalisation des parcours académiques par l’ajustement entre spécialisation de la recherche scientifique et besoins spécifiques de l’Université. L’analyse des trajectoires individuelles des enseignants de SciencePo ULB permettra de rendre compte du rôle de l’international dans la construction et l’évolution d’une carrière. Nous chercherons à comprendre à quelles conditions le capital international peut-il être une ressource symbolique dans le champ académique, et si les injonctions à la mobilité répondent à des caractéristiques communes entre les disciplines de recherche et selon les institutions de formation. De plus, nous analyserons les paradigmes de représentations de l’internationalisation chez les enseignants-chercheurs au sein des deux laboratoires. Car au-delà des conditions de recrutement il s’agit également de comprendre le processus de prise de décision chez ces derniers et comprendre leur rationalité au-delà de leur positionnement au sein de leur université. À travers une étude comparative, nous espérons comprendre en profondeur les dynamiques de socialisation qui permettent l’internationalisation d’une carrière en les mettant en relation avec les conditions de recrutement. Il s’agit en effet de comprendre comment ces rationalités multiples se heurtent entre elles puis s’influencent mutuellement afin de créer un champ dans lequel plusieurs acteurs entrent en compétition et dans lequel il faut saisir les dynamiques de pouvoir et de concurrence qui s’y opèrent.
L’analyse quantitative de critères d’internationalité (langues d’enseignement, mobilités d’études/postdoc/professionnelles, financements, cosignature d’articles et publications, etc.) aura pour but de rendre compte de manière évolutive des pratiques d’internationalisation du département de sciences politiques. D’autre part, la conduite d’entretiens semi-directifs tentera d’apprécier les facteurs influant la décision de devenir mobile au prisme des effets de discipline et de génération, des choix personnels ainsi que des contextes nationaux favorisant ou non la mobilité (structure du marché de l’emploi ; injonctions des institutions de formation…). De fait, en combinant analyse quantitative et qualitative, nous souhaitons mener une recherche qui ne prétende pas à une forme d’exhaustivité en termes d’analyse, mais qui puisse nous renseigner sur un maximum de facteurs d’influence qui entrent en jeu lors de l’internationalisation d’une profession au sein d’une configuration institutionnelle particulière. En nous intéressant à la fois aux critères de recrutement comme aux trajectoires individuelles nous choisissons d’analyser cette internationalisation des carrières non pas comme une étape parmi d’autres dans la carrière des enseignants-chercheurs, mais plutôt comme un processus toujours en cours de construction et de changements.