BILLET DE BLOG N°2 GROUPE 5 : L’impact de la pratique religieuse sur le parcours migratoire des femmes musulmanes étudiantes de Bruxelles.

BILLET DE BLOG N°2 GROUPE 5 : L’impact de la pratique religieuse sur le parcours migratoire des femmes musulmanes étudiantes de Bruxelles.

Groupe 5 : Hugo Lecuyer, Ayan Elmi, Roméo Chevaux, Ludovic Sicot et Djeevan Buratti

Sujet : L’impact de la pratique religieuse sur le parcours migratoire des femmes musulmanes étudiantes de Bruxelles.

Question : Comment la pratique religieuse des jeunes femmes musulmanes étudiantes à  Bruxelles influe-t-elle sur leur parcours migratoire ? 

Les migrations, auparavant considérées comme un phénomène économique sont aujourd’hui des faits sociaux, qui reposent sur un ensemble d’éléments jouant un rôle clé sur le choix de partir, mais aussi le choix du pays, de la ville de migration. Dans le cadre de notre étude portant sur le sujet « intimité, espace, localité et migration », nous avons choisi de nous concentrer sur l’importance du facteur religieux sur le parcours migratoire des migrants arrivant à Bruxelles, en particulier sur l’influence du facteur religieux sur le choix du pays d’accueil mais également l’importance de ce dernier lors de l’arrivée sur place . De ce fait, nous avons choisi de centrer notre étude sur les jeunes femmes musulmanes étudiantes à l’ULB, et nous nous sommes demandé comment la pratique religieuse des jeunes femmes musulmanes étudiantes à Bruxelles influe sur leur parcours migratoire.  

Lorsqu’on s’intéresse aux théories des migrations, on relève plusieurs éléments. Tout d’abord, selon Lee (1966), la migration se base sur des facteurs micro-individuels. En effet, l’auteur stipule que le choix de migrer se base sur le résultat du calcul entre des facteurs d’attraction (pays de destination) et des facteurs de répulsion (pays d’origine). Ceux-ci se basent sur les besoins et les envies des personnes, et doivent donc être traité au cas par cas (un bon système éducatif peut être un facteur d’attraction pour des parents mais ne pas l’être pour une personne célibataire par exemple). Cependant, Lee (1966) affirme également que les contacts personnels et les sources d’informations sont des facteurs importants dans le choix d’une personne de migré et aussi où migré. Par ailleurs, selon lui les facteurs qui permettent de diminuer ce qu’il appelle des « obstacles intermédiaires » de la migration jouent aussi un rôle clé dans le processus migratoire. Des exemples sont la scolarisation et les progrès technologiques dans les domaines de la communication et des transports. De plus, l’auteur théorise l’augmentation des migrations suite la croissance des disparités entre les différentes régions du monde. Une autre approche macro-structurelle est, quant à elle, défendue par des auteurs comme Mabogunje (1970), Burawoy (1976) et Sassen (1988). En effet, Mabogunje (1970) avance une approche systémique du processus migratoire. Ainsi, Piché (2013) explique la théorie de Mabogunje (1970) comme une première approche qui a « consisté à inscrire les mouvements migratoires dans un système impliquant la circulation de divers flux entre les lieux d’origine et de destination : flux de personnes, mais aussi flux de biens, de services et d’idées. ». De plus, Mabogunje (1970) associe l’environnement social, économique et technologique des individus à des facteurs politiques. Par ailleurs, nous pouvons noter une similarité avec Lee (1966) puisque les deux auteurs mettent en avant les rôles de la circulation de l’information et du maintien des contacts dans le pays d’origine. Burawoy (1976), démontre que la migration s’effectue sur un choix impliquant un socle économique et des institutions politiques et juridiques. Selon Sassen (1988), la migration ne répond qu’à un besoin de main d’œuvre de plus en plus important et elle est un phénomène urbain qui touche particulièrement les villes-mondes. 

  1. Concepts

Dans le cadre de notre étude, nous avons identifié les concepts suivants qui seront centraux tout au long de ce travail. 

Neutralité : Dans son article, Wormser (2006) définit la neutralité peut être définie comme un principe qui implique de s’abstenir de prendre parti ou de favoriser une partie par rapport à une autre. Associée à la religion, elle peut, dans le cadre de notre étude, être considérée comme une impartialité totale face à toutes les religions. Il ne faut pas confondre ce concept avec celui de laïcité. 

Lien non familial : Boudon (2001), démontre que les relations sociales non fondées sur les liens de sang peuvent être définis comme liens non familiaux. Selon l’auteur, ils ont un rôle clé dans la vie sociale et la création de solidarité entre individus. Ainsi, ils se composent des relations amicales, professionnelles, associatives ou affectives. 

Parcours migratoire : Lagier (2016) nous propose une définition du parcours migratoire qui renvoie à l’ensemble des étapes et des expériences vécues par un migrant depuis le moment où il quitte son pays d’origine jusqu’à son intégration dans le pays d’accueil. Ce parcours peut comprendre des phases de préparation, des temps de transit, d’installation et d’intégration, ainsi que des phases d’évaluation et de réévaluation du projet migratoire.

2. Analyse des données 

Dans le cadre de notre étude nous avons interviewé 6 jeunes femmes musulmanes (7 bientôt), au travers d’entretiens semi-directifs. Nous avons analysé ces données à l’aide d’une méthode d’analyse de données thématique. Les entretiens sont d’une durée moyenne de 10 à 15 minutes. Les conclusions primaires de notre étude nous amènent à observer que le facteur religieux ne semble pas être un déterminant principal lors du choix de Bruxelles comme ville d’accueil des personnes interrogées.  On constate également des divergences parmi les personnes interrogées. Les motifs d’émigration sont divers en fonction des différents climats géopolitiques régionaux. Parmi les profils, l’âge de migration est différent ce qui peut traduire des difficultés et des situations qui varient selon les participantes.

            Nous avons réalisé un tableau qui compare le rôle de la pratique religieuse sur le parcours migratoire avant et après l’arrivée dans le pays de destination :

Le rôle de la pratique religieuse avant la migrationLe rôle de la pratique religieuse après l’arrivée dans le pays de destination
Participante 1La Belgique était un idéal où la religion était facilement praticable. Cependant, c’est les opportunités économiques et la possibilité de vivre avec des petits moyens qui ont été les raisons décisives dans le choix de migrer à Bruxelles.Elle pratique sa religion à Bruxelles et fait partie d’une communauté. Elle remarque cependant que la pratique de la religion est différente. Elle explique qu’elle trouve plus dur d’être musulmane en Belgique car les gens font souvent preuve de jugement en particulier à l’égard des personnes voilées. 
Participante 2Avant de partir à l’âge de 13 ans, elle avait déjà reçu une éducation religieuse mais n’était pas très pratiquante (ses amis italiens étaient catholiques pour la majorité).  La question religieuse n’était pas importante pour le choix de Bruxelles comme ville de migration. C’est plutôt le facteur éducationnel qui a été pertinent dans le choix de destination pour permettre aux enfants de poursuivre une éducation au côté de leur famille. L’arrivée à Bruxelles lui a permis de rencontrer une communauté musulmane plus pratiquante et développée qu’en Italie. Son arrivée à Bruxelles lui a permis de développer sa foi et de fréquenter principalement des amis musulmans eux-aussi. Cela a créé un certain attachement pour la ville. 
Participante 3Elle était très attachée à la religion, maîtrisait le Coran par cœur et passait son temps à étudier ou à lire des récits religieux ou des livres de philosophie religieuse. C’était son passe-temps, en complément de ses études ainsi que de ses activités sportives. Cependant la religion n’était pas un facteur déterminant ais une question de sécurité vu qu’elle vient d’un pays qui est en guerre civile, la Syrie. Une fois arrivée à Bruxelles, les choses ont changé. Ce changement a été très difficile à vivre et elle s’est donc un peu éloignée de la religion. Aujourd’hui, elle prie encore 5 fois par jour, mais elle est moins proche du Coran, notamment à cause de ses études qui lui prennent beaucoup de temps. Elle préférerait rester dans son pays d’origine où la vie spirituelle et la vie en général lui convenaient, par souci de sécurité et de survie, ses parents ont choisi de quitter le pays.
Participante 4Non, l’exercice de la pratique religieuse n’était pas au cœur du choix de pays destination. Les facteurs économiques (travail et situation stable) étaient les principales raisons du choix de Bruxelles comme ville de destination. Selon elle, la pratique religieuse est très différente entre la Guinée et Bruxelles, notamment dans l’importance des fêtes religieuses et leurs pratiques. Elle considère sa pratique comme moyenne ( elle prie plusieurs fois par jours, porte le voile, fait le ramadan et fête l’Aïd). Elle n’a pas subit de discrimination  sur sa religion depuis son arrivée en Belgique mais elle précise que ses amies oui. 
Participante 5La religion n’a pas été un facteur déterminant. Il s’agit de retrouver sa famille, en l’occurrence son père qui travaille à Bruxelles. Elle faisait ses 5 prières et portait le hijab, mais à part cela, la jeune femme n’était pas encore vraiment préoccupée par sa religion, parce que la population est majoritairement musulane en Mauritanie.  A 14 ans, lorsqu’elle arrive à Bruxelles, elle est soumise à toutes les restrictions imposées par l’Etat belge. Ne pas entendre l’Athan, l’interdiction de porter le hijab à l’école secondaire, tout cela l’a amenée à s’interroger sur l’islam. Après une année d’études dans une école Catholique où elle devait enlever le voile, elle trouve une école Musulmane qui lui permet de commencer à faire ses études avec son hijab. Une expérience qui lui ouvre les yeux, dit-elle. Elle commence à étudier le Coran et se rend compte de l’importance qu’elle accorde à sa religion et à son hijab. 
Participante 6La religion n’était pas un facteur déterminant dans sa décision car elle savait qu’elle pouvait pratiquer sa religion partout dans le monde, même si elle devait le faire en secret. Sa décision de partir était motivée par des raisons de sécurité, le désir de trouver une vie meilleure et d’avoir accès à une éducation de qualité. Elle vient d’un pays en guerre, l’Irak, où la sécurité était précaire et les opportunités limitées. La pratique religieuse n’était pas un souci, les fetes religieuses, l’apprentissage du Coran etc. Une fois arrivée en Belgique, elle a remarqué une différence entre les musulmans en Irak et ceux en Belgique. Les musulmans en Belgique sont très prudents quant à leur image, car il y a des préjugés et ils doivent souvent se justifier. En quelque sorte, elle était obligée de mieux connaître sa religion pour mieux se défendre et expliquer aux Belges non-musulmans que l’islam n’est pas une religion de terrorisme, surtout qu’elle est arrivée en 2016, une période difficile pour les musulmans en Europe à cause des attentats terroristes. Cette expérience l’a conduite à renforcer sa foi et à approfondir sa connaissance de sa religion.
Participante 7Pas encore interviewée Pas encore interviewée

L’analyse de l’enquête menée nous permet de déduire deux axes d’analyses pertinents pour comprendre l’importance de la liberté de culte dans le choix de Bruxelles comme ville de destination pour les jeunes femmes musulmanes : 

  1. Le rôle du fait religieux avant la migration 

Les croyances religieuses peuvent être un facteur déterminant pour décider de partir ou non. Par exemple, certaines religions encouragent ou interdisent la migration en fonction de certaines circonstances, telles que la recherche de meilleures conditions de vie, la protection contre la persécution, etc. La religion peut être invoquée lors de la planification de la migration. Les croyances religieuses peuvent également influencer les choix de destination, car certains endroits peuvent être considérés comme plus accueillants pour les membres d’une religion particulière. Les enquêtées semblent décrire une pratique régulière de la religion au moment du choix de départ, ce qui pourrait avoir eu un impact sur le choix d’un pays comme la Belgique, plus précisément Bruxellois, qui applique le principe de neutralité, comme ville de destination

Cependant, malgré le rôle clé que semble jouer la religion dans la décision de partir et dans les éléments permettant de prioriser un pays, une ville plutôt qu’un autre, il apparaît que les facteurs sont en réalité multifactoriels. Au sein de notre enquête, nous avons pu relever que d’autre facteurs avaient tendance à revenir de manière de manière récurrente, tels que l’éducation, la sécurité, les intérêts économiques, ce qui va plutôt à l’inverse de notre hypothèse de base qui stipulait que la religion était un élément clé dans le choix de destination

  1. Le rôle du fait religieux à l’arrivée sur le territoire d’accueil 

En revanche, il est revenu de manière régulière que la religion peut être un facteur important lors de l’installation dans un nouveau pays. Les migrants peuvent rechercher des communautés religieuses pour se connecter avec d’autres personnes partageant les mêmes croyances. La religion peut également être utilisée comme un moyen de s’intégrer dans la société locale ou de maintenir des liens avec leur culture d’origine. 

L’importance du fait religieux dans le quotidien des jeunes femmes interviewées est assez clair : l’ensemble des femmes interrogées se dit pratiquante de manière très assidue (respect des prières, évènements culturels traditionnels…). Elles soulignent l’importance de pouvoir pratiquer librement leur religion de manière quotidienne, tout en pointant certaines difficultées, notamment en terme de discrimination. L’importance de pouvoir exprimer librement leurs croyances religieuses et de pouvoir les transmettre également aux fils des génération semble être relativement importante dans leur vie quotidienne. 

3. Bibliographie

BOURDON R., « Lien social », in Dictionnaire de sociologie, sous la direction de Raymond Boudon, Paris, Presses universitaires de France, 2001.

BURRAWOY, M., « The Functions and Reproduction of Migrant Labor: Comparative Material from Southern Africa and the United States », American Journal of Sociology, vol. 81, n° 5, mars 1976, pp. 1050 1087.

CONNOR, P., « Contexts of immigrant receptivity and immigrant religious outcomes: the case of Muslims in Western Europe », Ethnic and Racial Studies, vol. 33, n° 3, mars 2010, pp. 376 403.

LAGIER, E., « Parcours migratoires des parents et rapport des enfants à la politique. La part de l’histoire migratoire familiale dans la socialisation politique des descendants d’immigrés », Recherches familiales, vol. 13, n° 1, 2016, p. 21.

LEE, E.S., « A theory of migration », Demography, vol. 3, n° 1, mars 1966, pp. 47 57.

MABOGUNJE, A.L., « Systems Approach to a Theory of Rural-Urban Migration », Geographical Analysis, vol. 2, n° 1, septembre 2010, pp. 1 18.

MALIK, M., « Complex Equality: Muslim Women and the Headscarf’ », Droit et société, n° 1, 2008, p. 127.

MOMMEN, A., « Laïcité et sécularisation aux pays-bas et en Belgique ou la fin de la pilarisation de la société civile: Partis politiques, religion, sécularisation, pays-bas, Belgique », Filozofija i drustvo, vol. 25, n° 2, 2014, pp. 115 136.

PICHÉ, V. et DUTREUILH, C., « Contemporary Migration Theories as Reflected in their Founding Texts », Population (English Edition), vol. 68, n° 1, 2013, p. 141.

SASSEN, S., The Mobility of Labor and Capital: A Study in International Investment and Labor Flow, 1re édition, s.l., Cambridge University Press, 14 avril 1988, [En ligne]. <https://www.cambridge.org/core/product/identifier/9780511598296/type/book

WOLFS, J.-L., « Les conceptions en matière de sécularisation de la science et de la société vont-elles ou non de pair ? Enquête réalisée en Belgique et au Maroc auprès d’élèves de terminale », Recherches en éducation, n° 32, mars 2018, [En ligne]. <http://journals.openedition.org/ree/2306>. 

WORMSER G., « Neutralité », in Dictionnaire des sciences humaines, sous la direction de Sylvie Mesure et Jacques Lévy, Paris, Presses universitaires de France, 2006

4. Répartition des tâches à venir :

Ce n’est qu’une répartition envisagée. Dans les faits nous aurons tous un regard sur les autres parties du travail et nous serons amenés à travailler ensemble sur chacune des parties.

Ayan : Analyse des interviews dans le cadre de la première partie de notre sujet : “avant la migration”. 

Roméo : Analyse des interviews dans le cadre de la deuxième partie de notre sujet : “après la migration”. 

Hugo : Retranscription de la dernière interview et rédaction du cadre théorique du rapport final.

Djeevan : Rédaction de la partie conclusion du rapport final.

Ludovic : Analyse des interviews et aide à la rédaction des deux axes. Aide dans l’écriture de la revue de littérature.

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