Billet blog n2, Groupe 13
Présenté par Emanuele Mantegaza, Denisia Pintilie, Mata Bassinga, Frédéric Cogneau et Benjamin Bretton.
Cette recherche vise à explorer l’impact des carrières des expatriés sur les choix professionnels des conjoints. Plus précisément, la question de recherche est la suivante : « À quel point et comment l’expatriation influence les choix professionnels du/ de la conjoint(e) ? ». L’objectif est de relier l’intime à l’international et de comprendre comment et dans quelle mesure les choix professionnels de l’un d’entre eux peuvent avoir une influence sur les choix professionnels du conjoint.
Pour répondre à cette question, nous nous concentrerons sur les expériences des conjoints d’expatriés dans le domaine diplomatique. Nous examinerons les défis auxquels ils sont confrontés pour poursuivre leurs propres objectifs professionnels tout en soutenant la carrière de leur partenaire, ainsi que les stratégies qu’ils utilisent pour équilibrer leur vie personnelle et professionnelle.
L’étude utilise une méthode de recherche qualitative, en particulier des entretiens approfondis avec des couples d’expatriés. Les entretiens se concentrent sur les expériences du professionnel et de son conjoint, en explorant leurs motivations, leurs attentes et les défis auxquels ils ont été confrontés.
Pour ce faire, nous avons réalisé huit entretiens au total, dont trois couples, un conjoint d’expatrié et un expatrié. Au travers de nos entretiens et d’une analyse de la littérature disponible sur le sujet, nous avons pu identifier trois axes principaux autour desquels le questionnement se concentre:
- Accords sur la carrière;
- Le capital international comme facteur d’adaptation et d’influence;
- Soutien de l’expatrié envers son conjoint.
Analyse des résultats obtenus :
- Accords sur la carrière
La décision d’entamer une carrière d’expatrié et de partir s’installer à l’étranger est une décision prise par le couple après concertation, ce n’est généralement pas une décision unanime prise par la personne détenant la carrière d’expatrié. Le couple va discuter des avantages et des inconvénients d’une telle décision sur leur vie intime, leur carrière et les enfants et surtout sur le bien-être du conjoint qui décide de suivre son partenaire expatrié. En effet, ce dernier devra renoncer à certaines choses qui font partie de son quotidien comme ses amis, sa famille et son travail, et tout recommencer dans un pays étranger avec souvent des barrières culturelles et linguistiques qui rendent compliqué quelconque intégration. Cette renonciation peut provoquer chez le conjoint des traumatismes et des moments de faiblesse qui impactent leur vie de couple et le moral de chacun.
Parmi les personnes qui ont participé à notre étude, certains ont affirmé que le fait de ne pas avoir de fonction, de travail, de statut peut être parfois difficile à vivre. Certains ont également évoqué le fait d’avoir le sentiment de dépendre de la carrière du partenaire financièrement mais aussi administrativement. La communication au sein du couple est donc essentielle, chacun doit être à l’écoute de l’autre, identifier les moments où les choses se passent mal et aider son partenaire à surmonter ses épreuves.
De manière générale, plusieurs études ont montré que lors d’une expatriation, le conjoint de l’expatrié est contraint de renoncer à son activité professionnelle ainsi qu’à sa carrière ce qui peut influencer de manière négative l’expérience professionnelle de l’expatrié.
Les réseaux de partenaires, liés à son travail, peuvent être bénéfiques pour le conjoint. Les contacts de l’expatrié peuvent aussi dans certains cas servir au partenaire afin de trouver du travail ou une occupation. La communauté d’expatriés peut être une source de soutien social pour le conjoint. Dans des situations où la différence culturelle avec le pays hôte est très importante, celui-ci dépend de la communauté d’expatrié afin de garder des contacts et d’échanger avec d’autres personnes qui partagent la même situation, puisque rester en contact avec les amis et la famille est devenu difficile.
- Soutien de l’expatrié envers son conjoint
En réalisant nos entretiens, nous avons pu constater que nombres d’entre eux venaient confirmer la littérature existante sur le sujet. Un des points majeurs que la littérature soulève concerne l’importance du soutien, sous toutes ces formes. Ce dernier peut aussi bien être accordé par l’entreprise aux couples (et ce qui va nous intéresser dans notre cas c’est celui accordé au conjoints) qu’au conjoint envers l’expatrié.
- L’importance du soutien, investissement et capacité d’adaptation
Au sein de la littérature, nombres d’études ont démontré l’importance du conjoint dans la réussite professionnelle de l’expatrié. L’adaptation du conjoint à sa nouvelle vie est un facteur favorisant la réussite professionnelle de l’expatrié. En effet, dans de nombreux cas, le conjoint va suivre l’expatrié à la suite d’une opportunité de carrière, il se retrouve, dès lors, dans une situation où il décider de tout quitter pour le suivre. C’est cette capacité de d’adaptation qui va être déterminante pour la carrière de l’expatrié. Dans le cas des diplomates, hauts-fonctionnaires ou cadres dans des entreprises privées, l’expatrié n’a que peu de temps pour le travail domestique et cette tâche sera alors prise en charge par le conjoint. Ce travail domestique permet donc à l’expatrié de se concentrer pleinement sur son travail au sein de l’entreprise ou de l’institution. Cette dernière va alors considérer et valoriser le travail du conjoint, comme étant un élément essentiel et à préserver. De là, l’entreprise ou l’institution va mettre en place toute une série d’initiatives pour faciliter l’adaptation du conjoint dans sa nouvelle vie. Il se crée alors une relation d’échanges et de gains mutuels entre l’institution et le conjoint. Ce qui est symptomatique de cela, c’est que nombres de conjoints estiment que l’entreprise devrait être reconnaissante du travail domestique effectué.
- Difficultés à s’expatrier, rôles familiaux, isolement social et déclassement professionnel
La question de la répartition de la responsabilité des tâches domestiques est essentielle dans la décision de d’expatrier. Cependant, cette décision va être profondément influencée par la distribution des rôles patriarcaux au sein du ménage. De cette façon, comme le démontre de nombreuses études, les femmes auront plus de difficultés à accepter des emplois impliquant une mobilité géographique. Cependant, ce postulat est à nuancer car dans nos entretiens, car ce n’est ni toujours le cas, ni une fatalité en soi, nous avons eu des cas, où c’est l’homme qui suit la femme expatriée à l’étranger et va être amener à renoncer à une carrière professionnelle ou à subir un déclassement professionnel. Ce choix de carrière va donc être grandement conditionné par la répartition des rôles ménagers au sein du foyer après l’acceptation du projet d’expatriation au sein du couple. Bien que le processus d’expatriation soit le fruit d’une discussion, le conjoint en vient souvent à réduire ou stopper ses activités professionnelles. Il peut également y avoir une sorte d’isolement social ressenti par le conjoint à la suite de la perte d’identité professionnelle, qui peut aussi créer des tensions au sein du ménage. De plus, même si les interviewés expliquent que la décision de l’expatriation est un choix commun, l’avis d’un des membres du couple peut être considéré plus important que celui de son conjoint. Un autre paramètre important à prendre en compte est celui du cycle de vie. En effet, la décision de partir en expatriation va dépendre du cycle de vie et prendre en compte, s’il y a volonté d’avoir des enfants, la période dans laquelle ils se trouveront, ce qui peut totalement impacter l’expatriation. Dans notre prochain cas, une expatriée ayant vécu deux expatriations différentes sans enfants avec son mari, nous explique en quoi les enfants qu’elle a eu récemment sont un facteur important à prendre en compte. Les choix de carrière sont donc fortement influencés par le cycle de vie, et il s’agit d’un élément supplémentaire auquel les couples doivent faire face.
- Le capital international comme facteur d’adaptation et d’influence
Au cours de entretiens effectués, nous avons remarqué que certains mécanismes d’adaptation liés à une pratique d’un habitus cosmopolite était récurrent. De plus, l’ouverture vers l’internationalisation notamment par la pratique de langues étrangères, d’intérêt intellectuel pour des domaines académiques des sciences sociales ou encore l’existence de séjour de longue ou de courte durée dans des pays étrangers permettaient dans une certaine mesure aux interviewés d’avoir une certaine aisance quant à leurs adaptations dans un milieu étranger.
En l’espèce plusieurs de nos interviewés détiennent des diplômes universitaires en sciences politiques, en droit, en économie ou encore en histoire de l’art. Ici, un certain intérêt pour les cultures étrangères et les questions liées aux relations internationales, indique de prime abord la construction d’un capital international. Par ailleurs, la pratique des langues étrangères, au minimum trois, chez tous nos interviewés sous-tende l’édifice d’un capital international certain.
Aussi, plusieurs de nos interviewés ont ainsi connu durant leurs enfances des expatriations (Allemagne, France) qui souligne déjà au stade de la construction de l’identité personnelle un rapport avec l’expatriation. Si cette situation de ne présente, nos interviewés évoquent tous des séjours de longues ou de courte durée dues à leurs professions avant l’expatriation diplomatique ou encore des voyages organisés durant leurs jeunesses (Moyen-Orient).
Bien que les technologies numériques modernes permettent une certaine flexibilité quant à la pratique d’une profession, la plupart des conjoints indiquent tout de même l’existence d’un certain « déclassement » professionnelle au profit de l’expatrié diplomatique dû à l’expatriation.
Enfin de compte et malgré les précédents propos, le pratique du capital international permet aux conjoints une certaine adaptation dans le nouveau pays par une facilité dans la recherche d’un nouveau poste ou une adaptation avec la population locale par l’apprentissage d’une langue nationale par exemple.
En conclusion, notre recherche a mis en lumière l’importance de l’adaptabilité dans le cadre des carrières des conjoints d’expatriés, en particulier dans le domaine diplomatique. Nous avons constaté que l’adaptation du conjoint à sa nouvelle vie peut jouer un rôle crucial dans la réussite professionnelle de l’expatrié. Cependant, ce processus d’adaptation peut également entraîner des difficultés pour le conjoint, notamment en termes de répartition des tâches domestiques et de choix de carrière.
Nos entretiens ont également révélé l’importance du soutien des entreprises et des institutions envers les conjoints d’expatriés, notamment en valorisant leur travail domestique et en mettant en place des initiatives pour faciliter leur adaptation. Cela peut conduire à une relation d’échanges et de gains mutuels entre les conjoints, les entreprises et les institutions.
En somme, notre étude a souligné la complexité des choix professionnels des conjoints d’expatriés et la nécessité de prendre en compte les enjeux liés à leur stratégie d’adaptation et aux dispositifs d’accompagnement mis en place par les ministères et entreprises.