Quand la peur ne semble pas même implicite – Billet individuel de Ana Luíza de Sabóia Morais
Notre travail de recherche se concentre sur l’usage de la peur comme un élément moteur de la vie politique, spécifiquement dans le cas des discours politiques en lien avec les attentats du 22 mars à Bruxelles
L’inspiration pour imaginer ce cadre de recherche est parti de mes expériences personnelles dans un pays étranger. Malgré le fait que des patrouilles et gardes de sécurité soit assez commun dans la plupart des grandes villes et capitales au Brésil, la présence croissante des gardes militaires à Bruxelles, ainsi qu’à Liège depuis fin 2015 m’ont étonné – je n’avais jamais vu des groupes aussi équipés et aussi nombreux, toujours en garde, toujours se montrant présents. Je me demandais comment la population locale aurait reçu cette nouvelle, et comment celle-ci se sentait véritablement par rapport aux espaces publics.
En fonction de cela, une étude sur la transmission de la peur par des discours politiques avant et après les attentats du 22 mars, à Bruxelles, semblait idéale pour répondre à une partie de mes questionnements. La présence d’éléments typiquement associés à la post-vérité semblait très claire dès le départ : plusieurs versions d’un fait très polémique auraient sûrement une forte influence sur le niveau d’insécurité, la haine envers l’autre, voire la demande (ou acceptation) pour des mesures drastiques (tel que des mitraillettes en rue).
Au niveau méthodologique, par contre, les démarches exigeaient un peu plus de détail afin de mettre en évidence ces discours. La lecture préliminaire des analyses de discours portant sur le post 9/11 aux États-Unis a été essentielle pour définir notre approche méthodologique, mais la lecture des discours officiels de Charles Michel (1er ministre) et Jan Jambon (Ministre de l’intérieur) présentaient des particularités en raison de son propre contexte.
La neutralité des déclarations trouvées semblait montrer l’inverse de nos impressions préliminaires. En fonction de cela, nous avons décidé d’inclure des discours médiatiques dans notre analyse, dans le but de mieux comprendre l’interaction de la population avec des informations davantage véhiculées sur le thème, et les déclarations et avis auxquels la population aurait eu plus accès.
Au-delà des discussions autour des défauts de communication lors des attentats et des spéculations sur la faute de chacun, la presse en ligne et télévisée a pu montrer des dimensions différentes dans lesquelles les événements étaient associés. Bien différent d’un cas isolé reporté à la population, la rhétorique entre description des opérations lors du 22 mars et questionnements sur le budget sécuritaire avait comme plan de fond des questions discutées au niveau supranational, notamment la crise migratoire. Par conséquent, l’ensemble de termes associés à des textes incitant à la peur semble beaucoup plus subtil, car associé à l’idée de tolérance et démocratie, voire héroïsme, ce dernier à évaluer plus en profondeur lors de la discussion de nos résultats.
L’expérience de la focalisation sur un ensemble de textes tellement varié m’a fait percevoir, en pratique, les nuances présentes dans la construction de plusieurs images à travers des discours. L’aspect complémentaire de ceux-ci est remarquable, au point de considérer qu’il s’agit, potentiellement, d’une tendance future au sein des analyses de discours centrées sur des faits ponctuels perçus par la population.