Billet collectif sur les résultats – CETA/Wallonie: sentiment ou objectivité ?
Bonjour à tous,
Arrivant à la fin de notre enquête « CETA/Wallonie : sentiment ou objectivité ? », nous allons maintenant nous concentrer sur l’analyse des divers résultats obtenus lors de l’analyse de textes médiatiques ainsi que la réalisation de deux focus groups (une avec des professionnels de la presse et l’autre avec des citoyens).
Notre question de recherche étant : « La post-vérité : Comment joue-t-elle un rôle ou non dans la couverture de la crise CETA/Wallonie par les médias traditionnels francophones ? », nous cherchions donc à voir si les sentiments ont joué un rôle dans la perception des informations face à ce phénomène.
Pour se faire, nous avons commencé notre enquête par une analyse de discours médiatique en se basant sur les travaux de Patrick Charaudeau. Nous nous sommes penché sur trois journaux francophones : Le Soir, La Libre Belgique et la Dernière Heure/Les Sports. Le premier élément que nous avons remarqué c’est que les titres des articles ont tendance à être racoleurs, non pas dans le but de manipuler les lecteurs mais d’attiser leur curiosité. En ce qui concerne le corps du texte, les informations sont principalement factuelles, à l’exception de quelques petits traits d’ironie présents dans certains articles du Le Soir, témoignant d’une légère prise de position du journaliste. La figure de style la plus utilisée est la métaphore, telle « Wallonie, une pierre dans la chaussure », « le fédéral se prend les pieds dans le tapis wallon ». Il ressort également que tous les propos plus sensible exposant souvent un point de vue se retrouve soit sous la forme de, soit soutenus par une citation, afin d’indiquer de qui ils proviennent. À la suite de cette analyse, nous sommes d’avis que la post-vérité ne joue pas vraiment de rôle dans la couverture par les médias traditionnels belges de la crise CETA/Wallonie.
Cette analyse a été suivie de deux focus groups.
Le premier entretien collectif a été réalisé le mardi 18 avril en début de soirée en compagnie de deux professionnels de la presse. Nous attendions le double de participants, cependant, deux personnes ont décommandé durant le week-end de Pâques, ce qui nous a légèrement pénalisés qui plus est, un de nos participants est arrivé en retard le jour même. Malgré ces désistements, les interactions entre les deux journalistes ont été fructueuses ce qui nous a permis de toute même tirer des conclusions pertinentes.
Pour réaliser l’analyse de nos focus groups, nous avons réalisé quatre catégories en lien avec notre hypothèse : les définitions, l’utilisation de l’émotion, les hommes politiques et les réseaux sociaux.
Pour les définitions, nous nous sommes rendu compte que les participants des deux groupes avaient une définition différente du phénomène de post-vérité. Les journalistes estimaient avec certitude qu’il s’agissait principalement de « fake news » tout en admettant qu’une interprétation biaisée pouvait influencer leur écrit, bien que pour eux la post-vérité n’était pas liée à leur activité journalistique. Selon eux, ce phénomène n’est pas présent en Belgique. Les citoyens, quant à eux, étaient plus hésitants. Ils utilisaient des exemples pour définir le concept, nous leur avons donc donné la définition du Oxford Dictionnary sur laquelle nous nous basons pour mener cette enquête : « la post-vérité désigne, dans une culture politique récente, « les circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont désormais moins d’influence pour former l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux croyances personnelles».
Concernant l’utilisation de l’émotion, les journalistes utilisent plus volontiers les termes de « raccourci », « demi-vérité » tout en précisant que le CETA n’est pas lié à ce phénomène, ils précisent, d’ailleurs, que la post-vérité n’était pas encore d’actualité en Belgique. Cependant, ils acceptent l’utilisation du terme « pathos » pour décrire la situation. Les citoyens avaient un avis plus tranché en utilisant des termes comme « influence », « les médias jouent avec notre esprit », « communication émotionnelle ». Ils soulignent surtout l’utilisation de l’émotion afin d’attiser la curiosité du lecteur. On remarque que les journalistes sont moins critiques à l’égard de leur profession.
Pour les journalistes, la post-vérité est uniquement en lien avec les discours des hommes politiques, alors que pour les citoyens la post-vérité est tout de même liée aux médias de par l’influence qu’ils ont sur les lecteurs. De plus, ils considèrent que ce phénomène n’est absolument pas nouveau. Pour le cas particulier de Paul Magnette, les avis divergent selon les groupes, toutefois, ils s’accordent sur un certain opportunisme politique de sa part. Les journalistes relèvent tout de même la bonne foi de P. Magnette alors que les citoyens n’hésitent pas à le qualifier de « politicard » tout en reconnaissant son mérite. Enfin, tous les participants indiquent que, à la fin de la crise, les propos de certains hommes politiques concernant une pseudo-victoire wallonne étaient exagérés. En effet, pour eux il ne s’agit pas d’une victoire : « ils ont juste ajouté un texte à titre consultatif ».
Les journalistes ont pointé l’avènement et le manque de gestion de leur part des réseaux sociaux en lien avec ce phénomène de post-vérité. Par conséquent, les informations non vérifiées sont diffusées beaucoup plus rapidement sur la toile. Les citoyens pensent que le phénomène de post-vérité ne fait qu’augmenter depuis l’apparition des médias sociaux. Ils reconnaissent que le manque de temps est une difficulté supplémentaire pour les journalistes qui, selon eux, utilisent des titres racoleurs afin d’avoir un maximum de diffusion.. Ils notent également que les réseaux sociaux, comme Facebook, influencent l’information que nous recevons en suivant des algorithmes, cela joue également un rôle sur notre perception.
En conclusion, après la récolte de nos analyses, nous constatons que le phénomène de post-vérité via les médias traditionnels ne peut pas s’appliquer à la crise Wallonie/CETA. Il serait peut-être opportun de mener cette enquête auprès des hommes politiques afin de voir si ce phénomène ne les touche pas davantage. Les conclusions de notre enquête, bien que cette dernière ne soit pas absolument représentative, nous indiquent effectivement que les médias francophones belges n’ont pas eu recours à la post-vérité dans la couverture de la crise Wallonie/CETA, que ce soit du point de vue des journalistes et des citoyens ou par le biais de notre analyse de discours.
Blandine Crutzen, Layla Fadili & Charlotte Jamar de Bolsée