[Groupe n°2] : Billet personnel de Fanny ARNULF

[Groupe n°2] : Billet personnel de Fanny ARNULF

Dans le cadre de notre enquête de terrain, nous avons cherché à comprendre si la stigmatisation post-attentat de la commune de Molenbeek, a suscité ou non chez ses habitants entre 18 et 25 ans, un sentiment de repli identitaire et/ou communautaire.
Néanmoins, avant d’arriver à cette question de recherche, nous avons dû la modifier à de nombreuses reprises après avoir rencontré un certain nombre de problèmes suite à nos premières prises de contact.
Notre question de recherche initiale voulait se concentrer sur la population belgo-marocaine, issue de l’immigration ou naît en Belgique. Mais très vite nous nous sommes heurtés et dans mon cas, tout particulièrement, à des réactions animées, de la part de nos interlocuteurs. Ainsi, ma première prise de contact a été marquée par une certaine tension suivie d’un débat sémantique. En effet, en présentant notre projet j’ai employé à la fois les termes « discriminations » et « belgo-marocains ». Le terme Belgo-marocain était ici utilisé pour faire référence à des jeunes nés en Belgique soit d’origine marocaine soit ayant la double nationalité belgo-marocaine, ou alors à des jeunes issus de l’immigration, nés au Maroc et vivant en Belgique qui ont ou non la double-nationalité. N’ayant pas eu le temps d’expliquer ces différentes nuances dans mon discours introductif au téléphone, il m’a immédiatement été reproché de mettre les gens dans des cases, en ajoutant : «ils ne sont pas belgo-marocains, ils sont belges » alors que le nom même de l’ASBL est « association des jeunes marocains».
Mes excuses et la reformulation de nos objectifs n’ont eu aucun impact mais la personne a en revanche tenue à me faire part de l‘intégralité de ses diplômes et à me proposer ses services pour venir à l’ULB si nous souhaitions avoir un débat « plus conceptuel ».
Cette réaction porte à réfléchir, d’une part sur l’importance du choix des mots et la manière dont nous présentons notre recherche mais aussi sur la manière dont nous nous présentons pour éviter toute stigmatisation autour de l’image du chercheur ou de l’étudiant-chercheur. Il semblerait que ce phénomène soit récurant dans bon nombre de terrains, particulièrement à l’étranger, mais force est de constater dans ce cas, qu’il y a eu une grande méfiance à mon égard du fait de mon statut d’étudiante.
Par ailleurs, je trouve intéressant de se questionner quant à la place du chercheur et de son hypothétique fermeté ou non quant aux termes de son sujet.
Doit-on considérer que s’intéresser à une population en particulier est forcément discriminant ? Doit-on dans ce cas élargir nos critères de recherche ou au contraire persévérer pour tenter de contrer cette image stigmatisante ?
Car si nous poussions jusqu’au bout la logique de ce directeur d’association, la catégorie «18-25 ans » devrait être tout aussi discriminante.
Cette réaction démontre de manière éloquente, la sensibilité du sujet que nous souhaitons aborder et la difficulté intrinsèque à ce type de recherche quant au choix des termes adéquats pour mettre en confiance l’interlocuteur tout en expliquant de manière claire et honnête l’objet d’étude.

Méthodes d’enquête de terrain – ULB (2017-2018)

Fanny ARNULF

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