Billet individuel de A. Geudens – Groupe 5

Billet individuel de A. Geudens – Groupe 5

Titre : Quand une identité entraine l’étiquetage d’autres identités

 

L’un des moments intrigants de notre recherche a été la prise de contact avec le Collectif Kahina.

Nous avions contacté ce collectif dans le but d’identifier de potentielles féministes arabes à interviewer. Alors que nous croyons sonner à la bonne porte, voilà que, à notre surprise, l’on nous a plutôt envoyé vers une autre association, Arab Women Solidarity Association, qui semblerait convenir mieux à nos attentes puisque plus représentative d’un féminisme arabe, alors que Kahina représenterait un féminisme musulman.

En plus d’avoir soulevé l’inexactitude et le manque de clarté de la terminologie que nous employons dans notre recherche, ce moment clé a attiré mon attention sur un amalgame régulièrement fait au sein de la société belge : celui entre « arabe » et « musulman ». Alors que la distinction semble pourtant claire – « arabe » renvoyant à l’ethnie du peuple d’Arabie, et « musulman » aux personnes croyant aux principes de la religion musulmane – l’on peut citer quelques facteurs, parmi plein d’autres, qui expliqueraient la confusion tournant autour de ces deux termes:

  • Expansion première de la religion musulmane : les premiers peuples qui ont répondu l’islam sont les Arabes de la péninsule arabique.
  • Géographie du monde arabe : la superficie des pays arabes donne l’impression que le monde arabe domine dans le monde musulman. Or, la réalité est tout autre puisqu’une grande partie de ces pays est constituée de désert, et que la plus grande concentration de la population musulmane se trouve, en fait, dans des pays non-arabes comme l’Indonésie[1].
  • Emplacement de lieux saints : nombreux sont les lieux saints de l’Islam qui se trouvent dans des pays arabes, comme la Mecque qui se trouve en Arabie Saoudite, pays qui se trouve au centre de la symbolique de la religion musulmane.
  • Langue du livre saint : le Coran, livre saint de l’islam, a été révélé en langue arabe. De plus, souvent, les cours d’arabe sont donnés dans les mosquées.
  • Origine des prêcheurs musulmans : les imams qui prêchent dans les mosquées en Occident sont pour une grande partie d’origine arabe[2].

Ainsi, dans l’esprit d’une partie des européens, ce qui est « musulman » a finit par être assimilé à « arabe », et vice-versa.

Si nous appliquons cet amalgame au cas particulier qui nous intéresse, celui du féminisme arabe en Belgique, cela aurait pour conséquence qu’interroger des féministes arabes sans prendre en le fait qu’en leur sein plusieurs confessions religieuses sont présentes (ou absentes) aboutirait à des conclusions inexactes, voire fausses. Prenons pour exemple les méthodes employées pour affirmer l’égalité hommes-femmes, les unes mettant l’accent sur une nouvelle interprétation des paroles du livre saint pour soutenir leur envie d’égalité, les autres mettant plutôt l’accent sur les droits civiques.

Alors que souvent présentés comme des termes pareils et interchangeables, il est impératif de dissocier ce qui relève de l’ethnicité et ce qui relève de la religion pour bien mesurer les enjeux débattus. Nous avons remarqué que, au sein de la littérature comme lors des nombreuses conférences auxquelles nous avons assisté, il existe un flou quant à la distinction claire entre les combats et revendications portés par féministes arabes dites « laïques » (comme celles de AWSA) et ceux de celles dites « musulmanes » (comme celles du Collectif Kahina). Remédier à ce manque de discernement est l’une des tâches que nous nous sommes accordés lors de ce travai

[1] Deltombe Thomas, Rigouste Mathieu (2005). « 17. L’ennemi intérieur : la construction médiatique de la figure de l’« Arabe » . La fracture coloniale. La société française au prisme de l’héritage colonial. Paris, La Découverte, « Cahiers libres », p. 191-198, disponible sur https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=DEC_BLANC_2005_01_0191

[2] Rodinson, Maxime (1980). La fascination de l’Islam : les étapes du regard occidental sur le monde musulman. Paris, Petite Collection Maspero, p. 22-41

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