[Groupe 3, Billet collectif n° 2] – Résultats : De l’influence du programme Erasmus dans la construction de l’identité européenne chez les étudiants catalans
Dans le cadre de notre étude, nous avons pu interroger 5 étudiants que l’on a appelé Fanny (Mireia), Rodrigo (Eric), Julia (Maria), Cécilia (Blanca) et Marcello (Aniol). Suite à ces entretiens, nous avons recueillis des opinions diverses et variées mais également des opinions conjointes sur leur rapport à l’Union Européenne. Comme précisé, notre hypothèse de départ était donc que le programme Erasmus a une influence sur la construction de l’identité européenne chez les étudiants qui présente déjà un investissement par rapport au projet européen.
L’une des étapes de notre questionnaire était de les interroger sur leur positionnement par rapport à l’Union européenne et les réponses recueillies peuvent être considérées comme ambiguës. En effet, ils sont tous d’accord sur le principe d’avoir une union régionale. Ils montrent un regard positif sur les aspects liés aux facilités de déplacements, aux aspects « économiques » mais aussi sur l’idée d’un espace de promotion de valeurs communes. Toutefois, plusieurs d’entre eux ont également exprimé une certaine déception par rapport à l’institution et notamment au regard de la gestion de la crise catalane. En effet, l’inaction de l’UE dans cette crise est revenue de manière récurrente au cours des interviews et était perçue comme négative par les étudiants. C’est notamment le cas de Fanny qui déclare :
« C’est vrai qu’avec la crise catalane et tout ça, l’Europe m’a déçu un peu parce qu’elle n’a rien dit au respect (respect des règles) et au tout début les catalans voulaient une catalogne indépendante dans l’union européenne mais l’UE a eu un silence total alors les catalans, on est un peu déçu ». Plus tard dans l’interview, elle dira ceci : « tout le monde disait « oui Catalogne indépendante mais dans l’Union Européenne » alors les catalans voulaient être dans l’union européenne comme un petit pays mais maintenant comme les gens sont très déçus, ils ne veulent rien, ils veulent être comme Suisse par exemple ».
C’est une opinion qui est tout aussi partagé par Rodrigo qui déclare : « In Spain they say we are respecting the Spanish government because it’s an internal matter and in the case there are people in jail because of their thoughts, it’s not an internal matter. It has overcome the fact that the European values of freedom, of expression and some rights have been dismissed and I think if this European union is like the warrant of these values, it should do something », ou encore par Julia qui s’exprime dans les termes suivants : « Je pense que l’Union Européenne ne veut pas faire une action. Alors c’était pas bien ! ». Marcello manifeste lui un regard plus compréhensif par rapport à l’inaction de l’UE dans la crise catalane du fait de la difficulté, pour l’organisation, de ne pas saper la souveraineté des Etats et en l’occurrence, celle de l’Etat espagnol. C’est une opinion qui est notamment partagé par Cécilia. Cependant, ce facteur ne semble pas être déterminant par rapport à leur sentiment d’appartenance à l’UE puisque la plupart ont déclaré se sentir plus ou moins européen.
Un autre élément qui est ressorti de nos interviews est leur perception du programme Erasmus. Cette dernière est principalement liée à des objectifs personnels comme l’apprentissage de nouvelles langues, le fait de participer à une expérience qu’ils considèrent comme chouette/amusante mais le tout avec un focus particulier sur le développement professionnel. Rodrigo nous a notamment déclaré ceci: « It’s the opportunity to working and studying abroad ». Toutefois, concernant leur intégration à l’ULB, les opinions divergent davantage dans mesure où certains étudiants (notamment Julia et Fanny) ont critiqué le faible encadrement. Ils ont également mis en avant le peu de belges avec lesquels ils se sont liés d’amitié au contraire de Rodrigo par exemple qui a été davantage accompagné et a eu l’occasion de se faire plusieurs amis belges au cours de son séjour. Cet aspect est d’autant plus intéressant dans la mesure ou Rodrigo est celui qui s’est montré le plus affirmatif à la question de savoir si le programme Erasmus a participé à renforcer son sentiment d’intégration à l’Union européenne.
De plus, notre hypothèse semble également validée dans la mesure où les étudiants qui ont déclaré avoir peu d’intérêt pour la politique et l’Union européenne en général (c’est notamment le cas de Maria et Fanny) sont également ceux qui nous on dit que non, le programme n’a pas ou peu d’influence sur leur sentiment d’appartenance à l’Union européenne. Cela renforce l’idée selon nous que le programme Erasmus est principalement perçu comme un moyen de renforcer certains aspects personnels comme la carrière professionnelle, les langues, etc. On peut constater une tendance inverse pour les étudiants plus impliqués politiquement comme Rodrigo ou encore Marcello dont le contexte particulier de Bruxelles en tant que capital de l’Europe, joue également sur leur sentiment d’appartenance qui s’en trouve favorisé. Cette hypothèse se retrouve d’autant plus confirmé dans le cas de Cécilia qui déclarait que l’Erasmus avait bien eu une influence sur le renforcement d’un sentiment d’identité européenne parce que selon elle, dans le cadre de ses cours ici en Belgique, elle a des cours qui concernent spécifiquement l’Europe, qu’elle a également dû visiter, dans le cadre de sa faculté, les institutions européennes à Bruxelles et que dès lors, ça l’a amené à être forcément plus impliqué sur ce type d’interrogations. Notre hypothèse, qui était également celle de Caroline Close dans le cadre de son étude sur le programme Erasmus, se trouve ici confirmée (Close, 2011).
À la fin des entretiens, nous leur avons également posé la question de savoir comment ils hiérarchisaient leurs différentes identités entre régional, national et continental. Ainsi, Julia nous a déclaré qu’elle se sentait avant tout catalane, ensuite espagnol et en dernier, européenne. Il convient de noter que Julia est la seule intervenante à ne pas être indépendantiste. Fanny quant à elle, nous a déclaré ceci : « Catalane la première et oui je dirais européenne et… voilà (rire) ». La réponse de Rodrigo à cette question nous a le plus surpris : « To me external part where I’m from is Barcelona so to me I’m from Barcelona and nothing else so it makes it easier for me to say I’m from Europe and from the rest, I don’t care. To be first Spanish or first Catalane, I don’t care ». Marcello se sent davantage Catalan, ensuite européen mais il ne sent pas particulièrement espagnole. Enfin, Cécilia revendique son identité catalane mais également européenne malgré quelques hésitations mais elle ne se sent pas particulièrement espagnole.
Ce qui est donc majoritairement ressorti est finalement un attachement très prononcé pour leur identité catalogne, contrairement à leur attachement à l’Espagne et l’identité européenne, elle, reste très secondaire. On ne peut pas vraiment parler d’un véritable sentiment de citoyenneté européen.
– CLOSE, Caroline (2011), « Erasmus, vecteur de citoyenneté européenne ? L’expérience d’étudiants belges francophones (2002-2005) », Cahiers du Cevipol / Brussels Working Papers, vol. 3, 29 p.
Sacha Mszanecky, Mehdi Ben Khouja et Lath Kevin