[Groupe 2] Billet collectif- Le genre et la décision de migrer
La migration est un phénomène qui existe depuis toujours et qui module le monde. Même si les raisons pour lesquelles les personnes se trouvent à migrer peuvent changer avec le temps (comme par exemple, des raisons environnementales ces dernières années), le nombre de personnes migrantes augmente toujours plus, entraînant également l’augmentation des débats et de contrôles. Au sein de l’Union Européenne, la migration est un des sujets les plus débattus ces dix dernières années. Parallèlement, le genre, l’identité de genre, le sexe, nous influencent chaque jour et ce sujet a pris une place grandissante dans le débat public.
Dans ce sens, le genre est central pour comprendre les causes et les conséquences de la migration, qu’elle soit forcée ou volontaire. Ces deux dynamiques s’influencent mutuellement. Cependant, c’est seulement lors de ces dernières années que les études sur la migration ont commencé à s’intéresser au genre et au lien entre celui-ci et la migration. Dans le monde, on constate aujourd’hui que la moitié des migrants sont des femmes. Pour ces raisons, dans notre recherche, nous avons décidé de nous focaliser sur le lien entre la migration et le genre, et surtout sur comment ce dernier influence la décision de migrer vers d’autres pays.
« Comment le genre affecte-t-il la migration ? ». Cette question de recherche nous permet de comprendre de manière complète les liens entre notre variable dépendante, la migration, et indépendante, le genre. Plus précisément, et au-delà de ces deux variables centrales qui nous animent, cette question nous permettra également de mettre en lumière différents facteurs influençant ou non les inégalités de genre dans le choix de migrer ; on pense à la situation familiale, la situation financière, la formation professionnelle, les violences vécues, la situation sociale et politique…Cette question marque notre intérêt, de manière générale, pour les témoignages de migrants, originaires du bassin méditerranéen et établis en Belgique, évoquant leur décision de migrer.
Nos recherches nous ont permis d’élaborer l’hypothèse selon laquelle les individus qui décident de migrer sont impactés par des facteurs économiques, sociaux, politiques et environnementaux de manière différente selon leur genre. Effectivement, le genre joue un rôle central dans la prise de décision. Celle-ci est influencée par les pressions sociales qui s’expriment par un rôle de la femme stéréotypée dans la société et le manque de services et de droits basiques conformes aux nécessités, comme les droits d’accès à la santé et le non-respect des droits reproductifs (voir criminalisation de l’avortement). Ainsi que des violences de genre qui se caractérisent par des violences sexuelles, physiques, psychologiques et économiques…. Mais également, la possibilité pour les femmes d’avoir accès à des opportunités économiques non présentes dans leurs pays d’origine.
En ce qui concerne le cadre théorique, notre recherche s’appuiera sur une approche intersectionnelle. Même si la migration est au centre de notre recherche, la majorité des approches relatives à celle-ci s’intéressent plus à la manière dont la migration influence, modélise les relations de genre et moins à la manière dont le genre contribue aux flux migratoires. L’approche intersectionnelle a été définie en 1989 par l’universitaire féministe afro-américaine, Kimberlé Williams Crenshaw, pour expliquer l’intersection qu’il y a entre plusieurs formes de domination, discrimination et stratification (voir sexisme et racisme). On a choisi cette approche parce qu’elle apporte aux théories classiques qui éludent les vulnérabilités des femmes de couleur, en particulier celles issues de communautés immigrées et socialement défavorisées. L’intersectionnalité donne la possibilité de se déplacer entre sujets, sous-domaines scientifiques, méthodologies de recherche et enquêtes d’actualité. De plus, cette approche s’inscrit dans les théories féministes et, elle y apporte d’importantes contributions permettant d’aborder la complexité des conséquences en matière de dominations de pouvoir du monde moderne, en tenant compte du dynamisme politique de la nouvelle ère.
Concernant le choix de la méthode de collecte des données, nous avons sélectionné la méthode des entretiens. En effet, cette méthode nous a paru la plus adaptée pour répondre à notre question de recherche. Nous avons décidé de sélectionner trois hommes et trois femmes, afin d’avoir une représentation égale des deux genres et de pouvoir comparer les résultats. Nous avons décidé de faire des entretiens semi-directifs, avec une série de questions-guides sur leur parcours migratoire, les raisons les ayant poussés à partir et les raisons qui les auraient fait hésiter à entamer leurs parcours migratoires. Nous pensons, à travers cette méthode, avoir accès à des données pertinentes et nouvelles sur le sujet. Dans l’ouvrage “Qualitative Interviewing: the Art of Hearing Data”, les auteurs analysent que la méthode de l’interview est particulièrement adaptée à des enquêtes cherchant à analyser un processus et une réponse nuancée, subtile apportant un nouveau point de vue. C’est le cas de notre étude, qui tente d’examiner le rôle du genre dans la décision de migrer et d’analyser ce processus.
Ces entretiens pourront être faits en présence ou en distanciel (au choix des interviewés). Au sujet de l’accessibilité de ces données, trouver des personnes à interviewer s’est révélé compliqué, au vu de la situation sanitaire et de la situation précaire de nombreux migrants. Nous sommes actuellement en contact par mail avec des associations, telles que Brussels Refugees Platform ou Médecins du Monde, et centres d’accueil, en espérant nouer des contacts. Il s’agit cependant d’une potentielle limite à notre recherche, qui pourrait être dépassée par l’organisation d’interview avec des travailleurs sociaux, plus faciles d’accès que les migrants.
Bibliographie :
- V. Report A/70/59 du 21 Avril 2016, United Nations General Assembly, In safety and dignity: addressing large movements of refugees and migrants.
- Nawyn, S. J., Reosti, A., Gjokaj, L. (2009). Gender in motion: How gender precipitates international migration, Advances in Gender Research:13, pp.175-202
- Carbado, D., Crenshaw, K., Mays, V., & Tomlinson, B. (2013). INTERSECTIONALITY: Mapping the Movements of a Theory. Du Bois Review: Social Science Research on Race,10(2), pp. 303-312.
- Rubin, H. J., & Rubin, I. S. (2012). Qualitative Interviewing: the Art of Hearing Data (3 ed.). Los Angeles: SAGE