[Groupe 4] : Billet collectif 2 – La construction d’une carrière des réfugiés à Bruxelles
Comment les réfugiés essaient-ils de construire une carrière à Bruxelles ?
Le déroulement de cette recherche n’a pas été des plus facile, mais il a permis d’obtenir des résultats intéressants et riches. Bien que ceux-ci ne soient pas représentatifs. Dans un premier temps un nombre d’institutions et associations ont été contactés sans réponse positive, à l’exception d’une trop tardive pour respecter notre échéance de remise. Une nouvelle stratégie a été adoptée. Nous avons agrandi notre échantillon qui comporte donc des personnes ayant le statut de réfugié, des personnes en procédure pour l’obtenir et d’autres qui ne l’ont plus. Et nous avons décidé d’aller au Petit-Château faire nos entretiens, en rue. Une autre partie de notre échantillon faisait partie de nos connaissances. Cela nous a permis d’obtenir 15 entretiens et une analyse plus riche avec des individus ayant des expériences avant, pendant et après le statut de réfugié. Il y a néanmoins un second biais, c’est le terrain. À savoir, 8 entretiens qui ont été menés au Petit-Château et 7 dans nos connaissances, ce qui limite notre population, dont la majorité comporte des demandeurs d’asile.
Hypothèse 1 : le capital social offre à des réfugiés des opportunités professionnelles.
La majorité de nos individus possède un capital social, sauf un des répondants, pour lequel il était difficile d’établir le premier contact. Néanmoins, ce capital demeure assez restreint. 40% ont un réseau de la même nationalité et/ou issu du Petit-Château. 33% ont des contacts de différentes nationalités dont peu de belges. Souvent ces personnes correspondent aux enquêtés qui sont en Belgique depuis plusieurs années. En outre, ils partagent la même langue maternelle (le peul, l’arabe) et le français. 20% ont un réseau dont nous ne connaissons pas la nationalité.
20% de nos répondants ont trouvé un travail via un contact, par “le bouche à oreille”. Dont 2 n’étaient pas du Petit-Château. Ainsi, 80% des répondants n’ont pas trouvé de travail via leur contact.
Conséquemment, le réseau n’offre généralement pas d’opportunités professionnelles mais offre plutôt un support moral, d’entraide et de solidarité.
Hypothèse 2 : Les formations leur permettent et / ou facilitent la recherche du travail, en améliorant leurs perspectives professionnelles.
Pour une personne nous n’avons pas cette information. Donc le total pour l’hypothèse 2 est de 14 personnes. 57% des répondants souhaitent faire des formations en Belgique dès qu’ils y auront accès. Ils ne peuvent faire que les formations financées par l’Etat. Ils ont conscience qu’ils doivent se mettre à jour et faire une formation reconnue en Belgique. Car les formations effectuées dans le pays d’origine ne leur suffit pas à trouver un emploi qu’elles soient reconnues ou non. Ainsi, l’hypothèse est non-confirmée car 57% n’ont pas fait de formation contre 28,5% qui en ont fait. Ça les a aidées pour les langues et ils ont pu les mettre en avant sur leur CV. Mais ça n’a pas amélioré leur perspective professionnelle notamment une enquêtée est passée de gynécologue-obstétricienne à assistante-cuisinière. Une autre personne n’en a pas fait car elle est suffisamment qualifiée et a trouvé un travail facilement via un contact. Et un autre répondant considère de faire une formation sous la recommandation d’Actiris.
Hypothèse 3 : Plus ils ont de capital culturel, plus facilement ils trouvent du travail (langues parlées, reconnaissance des diplômes, reprise des études)
100% ont beaucoup de capital culturel en termes de langue. La maîtrise de la langue française, anglaise et/ou néerlandaise aide grandement dans la recherche du travail et au travail même. La majorité maîtrise également au moins une langue maternelle que ce soit le peul, l’arabe, le ngemba, le farci etc.. Un de nos répondant parle jusqu’à 5 langues. Mais celles-ci sont considérées par nos enquêtés comme inutiles au travail ou dans la recherche de travail. Bien que cela demeure utile pour être en contact avec sa communauté.
Quant aux études, 53.3% de nos répondants ont fait des études supérieures. 13.3% des personnes sont en pleine étude. 33.3% souhaitent reprendre des études. 26% n’ont pas fait ou fini leurs études supérieures. Avoir un diplôme d’étude supérieure aide dans la recherche d’emploi. Mais, ce n’est pas forcément à la hauteur de leurs compétences. Leur travail est plutôt un reflet de leur statut et de leur situation mais ce n’est pas un reflet de leur éducation. C’est pourquoi ils souhaitent reprendre ou faire des études ici. Afin d’améliorer leur situation professionnelle et leur position sociale.
Hypothèse 4 : Ils font appel à des institutions (CPAS, ONEM, Actiris…) dont ils sont des usagers et suivent leurs recommandations.
Les institutions sont une étape nécessaire pour tous les réfugiés que ce soit le CPAS, Petit-Château (Fedasil) ou Actiris. Ils cherchent tous du travail via ces institutions, 20% en trouvent dans ces institutions. Une personne n’en trouve pas, une autre ne veut plus travailler, une autre pense à faire une formation sous recommandation d’ACTIRIS, 13,3% cherchent ailleurs. 20% des interviewés ont trouvé leur travail via le CPAS. Et les autres 26,6% n’y ont pas encore accès.
40% ont trouvé un premier travail via le CPAS ou sont rémunérés directement par Fedasil (Petit-Château). Mais 20% était sous contrat article 60 (contrat d’insertion socio-professionnelle) du CPAS et par la suite ils ont trouvé leurs autres emplois par eux-mêmes.
En conséquence, le passage par les institutions est inévitable car ce sont des réfugiés, des demandeurs d’asile ou anciens réfugiés. Au début, ça aide à s’établir dans le pays.
Hypothèse 5 : Plus ils ont de capital économique, plus facilement ils trouvent du travail à la hauteur de leurs compétences. (remittances, économies, dettes…)
Cette hypothèse n’est pas vérifiée. Une majorité de 87% de nos interviewés n’ont pas d’économies, sauf deux personnes. Pour la première, ceci peut s’expliquer par sa durée de séjour (36 ans), le fait de venir d’un milieu aisé, étant déjà bien établi dans la société. Pour la deuxième, selon son interprétation, elle préfère mettre ses économies “de côté”, pour ne pas perdre le droit à l’aide du CPAS. Même si, en réalité le fait d’avoir des économies sur un compte bancaire n’a pas d’influence sur l’attribution de cette aide. Aucune des personnes interviewées n’avait de dettes. En plus, la pression exercée par la famille dans le pays d’origine pour envoyer des remittances, rend plus difficile l’accumulation du capital économique. Dès qu’ils trouvent du travail, ils essayent d’envoyer de l’argent dans leur pays d’origine. Pour une majorité des personnes, cela représente quelque chose de naturel, automatique, ce qu’ils comptent faire dès qu’ils en ont la possibilité. Néanmoins, une des personnes interviewées a dû couper les relations avec sa famille à cause de cette pression exercée pour leur envoyer de l’argent, même si sans travailler ceci n’était pas possible.