[Groupe 1] Billet Collectif N°1 – Camps de réfugiés jordaniens : un humanitarisme sélectif ?
Depuis 2011, la guerre en Syrie a entraîné des déplacements massifs de populations. Plus de 5,6 millions d’habitants ont dû trouver refuge dans un autre pays (UNHCR, 2020). Leur sécurité et leurs conditions de vie sont devenues des défis mondiaux à relever (Ababsa, 2015). Dès lors, la mise en place de camps de réfugiés, qu’ils soient intra-territoriaux ou installés au-delà de la frontière syrienne, a rapidement demandé l’intervention en masse d’organisations non-gouvernementales internationales (MSF, Unicef, CICR,…). Cependant, certaines disparités d’intervention apparaissent clairement entre différents camps au sein d’un même pays (UNHCR, 2019). En effet, il semble que plusieurs camps soient exempts de toute intervention, tandis que d’autres en sont des épicentres.
L’étude réalisée cherchera à répondre à la question suivante : Comment expliquer que le champ d’intervention d’organisations non gouvernementales internationales exclue-t-il des camps de réfugiés syriens en Jordanie depuis 2011 ? Située aux portes de la Syrie, la Jordanie compte 654.681 réfugiés syriens répartis sur son territoire et dans des camps, ce qui fait d’elle un acteur clé dans la crise syrienne (UNHCR, 2020). Même si elle n’est pas signataire de la Convention relative au droit des réfugiés, elle fournit des données claires au UNHCR permettant une analyse fiable des disparités d’intervention. La monarchie constitutionnelle du pays garantit également une relative stabilité politique; ainsi, les puissances occidentales en ont fait un allié de poids dans une région en proie à de vives tensions géopolitiques. Dès lors, de par sa collaboration et sa stabilité, la Jordanie bénéficie d’aides humanitaires d’ampleur dans son accueil des réfugiés. Les principaux camps officiels sur le territoire sont: Azraq (40 092) et Zaatari (76 143) ; et d’autres plus petits: le Cyber City Refugee Camp, le King Abdullah Park Refugee Camp et l’Emirati Jordanian Camp. Généralement, les conditions de vie au sein des camps sont précaires, les économies permettent rarement aux déplacés de combler leurs besoins (UNHCR, 2020). Ainsi, plus de 93% des réfugiés syriens en Jordanie vivent en dessous du seuil de pauvreté (UNHCR, 2020). L’aide humanitaire accordée par les organisations internationales permet généralement de couvrir les besoins vitaux et d’installer l’électricité et infrastructures sanitaires (UNHCR, 2020). Cette aide est dès lors considérée comme primordiale pour assurer des conditions de vie décentes aux réfugiés. Toute absence d’intervention crée de grosses disparités entre des réfugiés, issus de situations similaires mais, vivant dans des camps différents. L’intérêt de notre recherche permettra de mettre en lumière ces inégalités d’intervention et d’en comprendre les causes.
La méthode utilisée pour ce travail est basée sur un pluralisme méthodologique composé de questionnaires et d’entretiens (échelle méso). Ainsi, notre analyse cherchera à mettre en évidence des dénominateurs communs explicatifs inhérents à ce phénomène. L’approche hypothético-déductive semble donc la plus adaptée pour répondre à notre question. Plusieurs auteurs ont déjà souligné certaines variables indépendantes: l’aspect médiatique/opinion publique (Siméant, Vidal, 2006), les villes comme alternative aux camps (Ababsa, 2015), la dimension institutionnelle et le manque de coordination intersectorielle (Chandes et Pache, 2006), le financement (Ryfman, 2011) ou encore le contexte politique. Notre étude nous permettra de mettre en corrélation toutes ces hypothèses pour en sortir des grands axes de réflexion. Il semble alors évident d’adopter une approche théorique du choix rationnel qui induit une explication du phénomène par les intérêts des acteurs, soit ici celui des organisations internationales.