Résultats – Comment la fachosphère propageant les fake news se sépare-t-elle et s’organise-t-elle ?

Résultats – Comment la fachosphère propageant les fake news se sépare-t-elle et s’organise-t-elle ?

 

Question de recherche : « Comment la fachosphère propageant les fake news se sépare-t-elle et s’organise-t-elle ? »

(A gauche : ALBERTINI Dominique. DOUCET David, La Fachosphère – Comment l’extrême droite remporte la bataille du net, Flammarion, 336p (2016) ▌ A droitre : ALBERTINI, Dominique, (23 sept. 2016). « L’influence de la Fachosphère ». Libération (Paris), p.2)

 

 

 

En premier lieu, nos résultats proviennent soit d’une analyse de cas soit d’une opération de communication précise permettant de donner des caractéristiques à la sphère analysée. Ainsi pour la patriosphère, nous nous sommes focalisés sur l’opération Twitter « #DémasquonsMacron », pour la cathosphère, le cas du « salon beige », et pour la NRsphère (Nationalistes Révolutionnaires) le cas d’« Egalité et Réconciliation » porté par Alain Soral. Nous avons pour chacun de ces cas fait une analyse détaillée de leur profils, espaces, connexions et enfin nous nous sommes attardé sur une analyse de contenu. Nous allons tenter de résumer ici les occurrences qui permettent de répondre à nos hypothèses.

La première hypothèse est la suivante : la fachosphère se sépare en différents groupes selon leurs idéologies. Grâce à notre entretien avec le doctorant spécialisé dans les fausses informations et dans les crises de réputation, Nicolas Vanderbiest, nous avons pu séparer la fachosphère en trois sous-parties ; la patriosphère qui regroupe les individus défendant leur attachement à la nation et qui entendent la défendre sur le web, pour lesquels nous avons analysé une série de comptes Twitter. La cathosphère quant à elle, regroupe les partisans de la France catholique, par et pour les catholiques dont nous avons analysé la présence sur le web via le site internet du Salon Beige. Enfin, la NRsphère qui rassemble des thématiques telles que le populisme, le nationalisme et le racisme décomplexé, le tout englobé dans une idéologie complotiste pour laquelle nous avons analysé les différentes pages internet d’Alain Soral. Nous avons observé chacune de ces sphères et analysé leur fonctionnement via une grille d’analyse : tout d’abord leurs profils, ensuite leurs espaces, puis leurs connexions, et enfin leurs discours.

La deuxième hypothèse consiste à dire que les fakes news sont des réponses à un moment politique donné. Elle a été vérifiée par notre travail car nous observons dans les trois sphères étudiées que la prolifération de fakes news est fortement liée à un événement politique comme le passage de la loi pour le mariage pour tous, un attentat, la crise des migrants, et ici, la campagne présidentielle française. Ainsi, concernant la patrioshpère, nous avons suivi l’opération guidée « #DémasquonsMacron » qui visait à dresser un portrait peu flatteur du candidat d’En Marche! et dont les patriotes critiquaient son absence dans les médias traditionnels. Sur la cathosphère nous avons relevé qu’elle utilise Macron pour défendre ses thèmes de prédilection tels que la lutte contre la GPA (Gestation Pour Autrui) et l’adoption des couples homosexuels. Elle insinue ainsi qu’avec le candidat d’En Marche! : « les plus riches pourront s’acheter un enfant en toute légalité » et insiste sur des rumeurs autour de l’existence d’un lobby LGBTI présent aux cotés de Macron.
Au sujet de la NRsphère, c’est sur le site Egalité et Réconciliation, qu’Alain Soral, diffuse une série de 12 épisodes qui couvre la présidentielle française et où Macron est la cible d’accusations privilégié. Nous y retrouvons ainsi une vidéo relatant l’expertise douteuse et à charge d’un psychiatre attestant que Macron est un psychopathe.

La troisième hypothèse est que la fachosphère est une hybridation entre des comportements autonomes et des processus institutionnels. Pour la patriosphère, nous pouvons faire un lien avec la frange radicale du parti Les Républicains (de Laurent Wauquiez et Éric Ciotti à Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux) notamment lorsque des thèmes et des concepts d’extrême droite sont repris par des membres officiels du parti et diffusés ensuite par des militants au cœur de la patriosphère (par exemples idées « destruction de la famille », « communautarisme », « européistes », « bien-pensants »). Pour la cathosphère et le cas du Salon Beige nous avons d’une part trouvée de nombreux articles en faveur de la candidate du Front National, notamment des liens de vidéos provenant de sa campagne officielle ou clairement en marque de soutient. Toutefois cette sphère défend principalement une idéologie qui peut s’intégrer dans différents partis politiques. Les liens avec le Front National ne sont donc pas officiels (pas d’affiliation ou de financement). Enfin, pour la NRsphère, d’une part nous avons perçu des liens avec le Front National par la diffusion d’arguments en leur faveur (Soral a été membre du comité du parti pendant 2 ans), mais d’autre part, leurs liens avec le FN sont limités car leur idéologie peut être beaucoup plus radicale (négationniste). Nous en concluons qu’il y a une perméabilité entre les membres et les idéologies des différents partis politiques officiels et des différentes sphères.

Pour finir, notre quatrième hypothèse est que la fachosphère gagne en visibilité grâce à internet et aux réseaux sociaux. Nos recherches nous ont confirmé la thèse selon laquelle les trois sphères profitent des avantages du web 2.0. En effet, le caractère extrême de leurs discours ne leur permet pas d’occuper l’espace des canaux traditionnels (ils dénoncent une prétendue censure) et internet leur offre donc un porte-voix avec moins de contraintes et plus d’anonymat pour propager leurs messages. Nous constatons également que les acteurs de ces sphères agissent dans la volonté de faire un travail de réinformation contre les médias traditionnels qui propagent du contenu biaisé.

En deuxième lieu, nos résultats sont également le résumé d’une recherche qui souhaite étudier les différents moyens déjà mis en place pour analyser le phénomène des fake news. Celles-ci sont en effet un nouveau phénomène qui impactent considérablement la vie politique et les réputations (post-truth), comme nous l’avons vu pendant la campagne présidentielle française avec les rumeurs de compte aux Caïmans de Emmanuel Macron, de financement par l’Arabie Saoudite ou de sa prétendue homosexualité. Pour ce faire, nous avons suivi trois différents veilleurs de l’information. Nous avons examiné le travail d’un scientifique, Nicolas Vanderbiest, avec son site Reputatiolab.be, ensuite celui d’un membre de la société civile, Manuel Abramowicz avec son site ResistanceS.be et enfin l’action de journalistes du journal Le Monde avec les Décodeurs.

 

 

 

Lucie Allo, Sofian Bouchfira et Isis Klasen

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