RESULTATS – « Comment s’est organisée la réponse de l’Union Européenne à la campagne de désinformation russe ? » (FELIX Ruben, EXPOSITO Alexis)

RESULTATS – « Comment s’est organisée la réponse de l’Union Européenne à la campagne de désinformation russe ? » (FELIX Ruben, EXPOSITO Alexis)

 

L’année 2016/2017 s’est surchargée d’événements politiques hors norme. Le pouvoir de l’établissement et du libéralisme occidental a été rapidement mis en cause par les populations lors des diverses élections en Europe (EU) et aux États-Unis d’Amérique (EUA). Donald Trump a gagné les élections présidentielles en novembre dernier, juste après le bouleversement politique en Europe, lors des résultats du référendum en Grande-Bretagne (Brexit). Ces deux cas sont menés par des campagnes ayant comme principal adversaire la globalisation, prônant le protectionnisme économique. Pourtant, ce modèle n’est pas la politique économique d’élection des institutions européennes et mondiales (Banque Centrale Européenne ; FMI). Ces campagnes ont dans un premier temps réussi à mobiliser leur électorat par une idée commune d’anti-globalisation (jouant sur des notions sensibles comme le racisme) souvent à travers des techniques de désinformation. La diffusion de ces fausses informations  (« fake news ») ont été amplifiées par divers réseaux sociaux, et autres canaux d’information. Dans le cadre de ces événements, le dictionnaire Oxford a choisi le mot « post-vérité » comme mot de l’année. Le terme fait référence selon la définition du dictionnaire « à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles ».

Face à cette thématique, nous nous sommes tout d’abord demandé comment allait se dérouler l’année 2017 (élections France et Pays-Bas). Sommes-nous face à un nouvelle tendance (Frexit?) ? L’Union européenne (UE) a-t-elle une stratégie pour contrer cette éventuelle tendance ? Il nous a semblé opportun d’étudier dans quels contextes ce concept est apparu par le passé et quelles-en sont ses manifestations actuelles. L’intense campagne de désinformation des médias pro-Kremlin a donc attirée notre attention: possibilité d’ingérence dans les élections ? Nous avons alors décidé d’orienter nos recherches sur ces pratiques en se demandant par ailleurs comment l’Union Européenne pouvait-elle réagir à une stratégie clairement orientée à son encontre. Nous avons finalement choisi d’arrêter un sujet portant précisément sur la réponse de l’Union européenne aux campagnes de désinformation issues de son voisinage est-européen.

Question de recherche : « Comment s’est organisée la réponse de l’Union Européenne à la campagne de désinformation russe ? »

Dont les hypothèses suivantes :

  • La crise en Ukraine a agi comme un catalyseur de la campagne de désinformation russe et a initié une réflexion au sein de l’UE pour en contrer les effets.

  • La stratégie de lutte européenne contre les « fake news » russe prend source dans le conflit ukrainien.

Les hypothèses choisies englobent autant nos premières impressions, que nos recherches préparatoires (presse, publications scientifiques). Cet ensemble produisait un schéma assez logique :

Apparition d’une menace => Phase de réflexion et de discussion => Décision de mise en place d’une stratégie

L’utilisation d’une méthode d’entretien, est précédée d’une exploration de la presse et des publications officielles de l’UE sur le sujet, dans le but de cibler d’avantage nos entretiens et de ne pas les mener à partir de rien.

Les premières traces de discussions au sein des instances européennes sur le sujet datent du 20 mars 2015: le Conseil Européen qui, au cours du volet sur le conflit Ukrainien, exprime le « besoin de répondre aux présentes campagnes de désinformation russes, et invite la Haute Représentante (Mogherini) en coopération avec tous les Etats Membres et Institutions, à préparer pour le mois de Juin un plan d’action en matière de communication stratégique » en précisant que  « La mise en place d’une équipe de communication est une première étape dans cette optique ».

Cette procédure s’est suivi en juin par l’émission d’un Plan d’action de Communication Stratégique qui entérine la mise en place de l’East Stratcom, une Task Force travaillant sur le voisinage Est-européen et la campagne de désinformation russe. À l’issue de cette exploration des discussions et décisions au sein de l’UE, nous avons prit l’initiative de contacter des membres de cette équipe, dans l’optique d’un entretien.

D’après le représentant interrogé de la Task Force ; la campagne de désinformation « gagne » en ce moment. Différents arguments sont donnés par ce dernier: manque de ressources de la part des États membres, manque d’initiative de la part des responsables politiques/personnalités publiques et de la société civile. On est face à un problème de ressources, surtout quand on confronte une puissance qui est présente depuis un bon moment et que la TaskForce y est récente : « I don’t think the government should do everything. A lot of it should also be done by the civil society, think tankers, NGOs, journalists, activists.. In some countries is happening, in other countries it’s slower»

La personne interrogée admet que si l’UE avait autant de ressources que la campagne de désinformation pro-Kremlin, la Task Force aurait plus de succès: « They are spending more and that’s why they have better results. If we fought back with the same resources, I don’t think they would win. Because in the end, the truth has to win ». L’intervenant précise qu’en théorie, la Russie interprète les relations internationales comme une jeu à somme nulle « non zero sum game » (une situation gagnant-perdant). Cette campagne de désinformation à pour but final d’affaiblir un adversaire potentiel ; notons que l’OTAN a toujours été vue par la Russie comme un adversaire à sa politique étrangère militaire mais aussi économique. Affaiblir l’UE et explorer une possible fragmentation pourrait s’avérer efficace pour contrer une possible expansion de l’OTAN dans les pays de l’Est européen : « They cannot reform their economy, they cannot make more money. So the only way is to weaken their opponents (…) Divide and withrew (…) It’s easier to deal with the 28 weaker opponents than to deal with one single and strong one (ie European Union) ».

Il existe quand même, d’après l’interrogé, un changement de voie de la campagne de désinformation après les événements en Ukraine en 2013 « Euromaidan ». Avant, le Kremlin se contentait d’orchestrer une stratégie de communication afin de maintenir Vladimir Putin au pouvoir. Après la deuxième guerre de l’Ossétie du Sud en 2008 (Russie >< Géorgie) le Kremlin, malgré une victoire militaire n’a pourtant pas une image internationale favorable. C’est à cet instant que « (…) the most amazing information warfare blitzkrieg that we have ever seen in the history of mankind » commença et s’intensifia après les événements en Ukraine. C’est la réitération d’une ancienne stratégie de la KGB.

Cet entretien nous a éclairci sur des détails manquants lors de nos recherches préparatoires et nous a permit notamment d’obtenir des résultats tangibles et de tester nos hypothèses. Ainsi on peut dire que : (Hypothèse n°1) « La crise en Ukraine a agi comme un catalyseur de la campagne de désinformation russe » mais les origines des ce celle-ci sont plus lointaines (Géorgie 2008). Toutefois cette nouvelle stratégie de désinformation « (…) happened after the events of “Euromaidan”; this export of disinformation, orchestrated by the Kremlin, outside of Russia. » C’est à cette période que les premières réflexions ont lieu, et que les besoins d’une stratégie de lutte sont réellement exprimés en Europe. Cette hypothèse est donc vérifiée.

(Hypothèse n°2) « La stratégie de lutte européenne contre les « fake news » russe prend source dans le conflit ukrainien.» D’une part on témoigne de l’émergence de la problématique au sein de l’UE suite au conflit, d’autre part l’East StratCom TaskForce s’est inspirée des moyens de lutte d’acteurs ukrainiens indépendants « The idea we had was to recreate that same idea, a European version of StopFake.org; trying to find the people who are following the issue of “fake news” and disinformation in their countries. »

Finalement, bien que contenant quelques lacunes et limitations de recherche (faible quantitée d’entretiens dû à la difficulté de contacts liés au monde pro-kremlin; projet linéaire doté d’un seul véritable acteur à analyser), cette étude nous a permit d’avoir des résultats à la hauteur de la faisabilité du projet. Cela a été pour nous un défi, au même temps qu’un travail d’élargissement de nos connaissances sur les stratégies externes des institutions européennes dont l’aboutisement s’avère finalement enrichissant.

Laisser un commentaire