Vous avez dit traumatique ? – Billet personnel – Akhaloui Islay
Les évènements traumatiques sont quotidiennement diffusés par les médias qui ont généralement pour objectif d’informer la population dans les plus brefs délais et au plus près des faits. Cependant, les responsables de ces informations récoltées et relayées lors se soucient-ils de leurs impacts tant auprès des victimes que des spectateurs ? C’est la question que je me suis posée dans le cadre de notre enquête concernant l’influence des émotions suscitées par les médias sur la population étudiante à l’ULB suite aux attentats du 22 mars à Bruxelles. Cette réflexion m’est venue lors de discussions auprès de deux sujets directement impliqués. Alors, qu’en est-il des répercussions de la couverture médiatique d’un tel évènement ?
Il faut reconnaître que le traitement médiatique dans l’urgence a donné du fil à retordre au milieu journalistique sachant que de tels attentats ne sont pas communs sur le sol belge. Cela dit, les journalistes ont des obligations envers les individus impliqués comme respecter le droit à l’image mais il semblerait qu’ils aient décidé d’en faire abstraction lorsqu’ils ont diffusé des images de victimes couvertes de sang, pleurant, hurlant, … et relatant les faits sous le choc. Toutefois, même si on leur avait demandé une autorisation de diffusion, étaient-elles capables de répondre en toute sérénité ?
Aujourd’hui, les images sont accessibles à tous, elles sont aussi une source d’attention particulièrement attirante. Notamment lorsqu’on évoque l’importance du taux d’audience plutôt que de la qualité, laissant peu de place à la réflexivité et à la distance nécessaire par rapport aux faits. Les spectateurs du monde actuel sont globalement passifs car captifs de ces images, ils sont submergés par la réalité d’une telle violence. Ce réalisme est d’autant plus pertinent lorsqu’il est filmé et diffusé tel quel par des personnes anonymes ne faisant pas partie du monde journalistique. De cette façon, le sentiment d’identification des spectateurs s’intensifie, ils se disent que cela aurait pu leur arriver et ils passent en « mode traumatique ». Ces images ont été assez répétitives et chargées en émotion, ce qui a pu déclencher chez certaines personnes un malaise au sein de la société, une vigilance accrue, une vision différente du monde, … autant de changements comportementaux liés à un stress post-traumatique. Un an après les attentats, certaines chaînes de télévision et publications sur les réseaux sociaux ressassent les évènements. Ainsi, l’horreur est comme figée dans le temps. Ces commémorations ne font-elles pas qu’enfoncer le couteau dans la plaie ?
Les médias ont donc pour principale fonction d’informer, et si celle-ci est correctement effectuée en limitant toute extrapolation de la situation ou des émotions, elle peut servir à rassurer la population en gardant une certaine cohésion sociale. Le fait est que ce rôle se modifie de plus en plus et tend vers la communication accompagnée d’images qui supplantent la réalité tout en maintenant une situation de menace imminente et d’insécurité pour les spectateurs. Pareil contexte transforme l’évènement traumatique en spectacle pouvant susciter une victimisation intense des sujets impliqués. Un cadre de protection, d’information et de respect doit donc être mis en place pour les victimes.
Akhaloui Islay.