RESULTATS D’ENQUÊTE – GROUPE 9 : RIVALITÉ ENTRE ASSOCIATIONS SANS BUT LUCRATIF ET ENTREPRISES PRIVÉES D’AIDE HUMANITAIRE
Dans le cadre de ce cours, nous avons tenté de comprendre comment s’exprime la rivalité entre les entreprises privées de volontariat international et les associations sans but lucratifs oeuvrant dans ce même secteur. Pour rappel, nous avions émis l’hypothèse selon laquelle la rivalité s’exprime à travers les différences de moyens, entre les entreprises privées et les ASBL de volontariat international, issus de l’expansion des premières au détriment des secondes.
Notre enquête nous a permis d’observer deux facettes du conflit : un conflit d’ordre économique et un conflit de représentation et d’image.
Tout d’abord, en termes de ressources, les associations sans but lucratif se financent majoritairement via les subventions. À contrario, les acteurs privés se financent principalement par les ressources apportées par les volontaires. De ce fait, une concurrence qui est due à une différence des moyens (de visibilité, de communication, etc.) dont disposent les deux organismes est née : ceux qui possèdent des moyens de communication efficaces et ceux qui perdent en visibilité. Ce sont des propos notamment tenus par JAVVA qui déplore l’absence de chargé de communication. Selon elle, « [les entreprises privées]ont beaucoup plus de moyens pour mettre de l’énergie et de l’argent là-dedans, nous on se sent parfois à la traîne la dessus. On fait ce qu’on peut ». Le Service Volontaire International partage ce point de vue : « On ne peut pas être partout en permanence. WEP a sûrement payé quelqu’un pour coller des affiches à l’ULB [université], qui se veut publique. Essayez d’arracher une affiche de WEP dans les valves, c’est intéressant, vous verrez la vitesse à laquelle elle repousse ».
Par ailleurs, cette concurrence économique fait l’objet de critique car elle est vue comme injuste et malhonnête par les ASBL qui considèrent que le secteur commercial ne devrait pas proposer du volontariat moyennant un tel financement. En effet, les sommes que les volontaires sont amenés à débourser diffèrent en fonction de l’organisme vers lequel ils se tournent puisque les dépenses sont plus importantes lorsqu’une personne souhaite s’engager en tant que volontaire par le biais d’une entreprise privée. C’est d’ailleurs ce qu’exprime le SVI : « On n’est pas contre le secteur commercial mais contre la commercialisation de la pauvreté. Ils sont très fort sur le fait de dire « entreprise à vocation sociale », cela ne veut rien dire (rires nerveux et sidéré) ! ».
On remarque également qu’un manque de transparence est reproché aux organismes privés qui parfois omettent de revendiquer leur statut d’entreprise pour obtenir des privilèges qui profitent généralement aux associations. En réaction, les associations prennent un caractère militant et vont parfois jusqu’à lancer des opérations “coups de poings” pour protester.
Au conflit économique s’ajoute un conflit de représentations. Dans l’imaginaire collectif, il n’est pas toujours aisé de faire la différence entre les associations et les entreprises de volontariat international. Ces dernières entretiennent d’ailleurs ce malentendu en manquant, notamment, de transparence. Les associations, quant à elles, cherchent à se distancer de l’image du « volontourisme » associée aux entreprises afin de mobiliser l’opinion publique à leur faveur. Elles utilisent même cette étiquette pour dénoncer les abus dont les entreprises seraient à l’origine. C’est notamment le cas du SVI qui, récemment, a mené une conférence sur les dangers du volontourisme. Selon nous, cette situation crée un cercle-vicieux. En effet, cette mauvaise presse qu’ils alimentent leur nuit également puisque se crée dans l’opinion publique un amalgame assimilant le volontourisme tant aux associations qu’aux entreprises. Selon l’ASBL JAVVA, les entreprises privées « véhiculent ce qu’on appelle le volontourisme » ce qui « donne une mauvaise image du volontariat international. (…) On pense que le volontariat international c’est du volontourisme (…) dans ce sens-là je trouve que ça nous fait aussi obstacle. » À l’inverse Project Abroad se considère « victimes de la mauvaise presse » que leurs font les ASBL.
En outre, la notion d’aide humanitaire ne fait pas consensus auprès de ces acteurs. Pour SVI et JAVVA, l’aide humanitaire doit être laissée aux professionnels, tels que les Médecins Sans Frontière, alors que d’autres organisations, comme Project Abroad, revendiquent cette mission, ce qui crée une confusion concernant les actions de cette dernière sur le terrain. De plus, un autre problème subsiste : celui de l’emploi du vocabulaire associatif par les entreprises privées. L’utilisation du vocabulaire associatif par les entreprises est vu d’un mauvais œil par les ASBL puisque cet emploi, selon elles, intensifie les malentendus.
Cependant, en dépit de la rivalité économique, institutionnelle, et de représentation, nos entretiens nous ont permis de constater que la distance entre les ASBL et les entreprises privées en termes de valeurs n’était pas si importante car les organismes interrogés promeuvent tous une aide « solidaire », des échanges interculturels même si les moyens et les mises en œuvre diffèrent. Les visions de WEP et JAVVA se rejoignent sur ce point lorsqu’elles font mention « d’immersion interculturelle », « de rencontrer des personnes d’horizon différents, de cultures différentes, de s’ouvrir un petit peu au monde, de se rendre compte de certaines réalités dans certains pays ».
Ces conflits économiques et de représentation traduisent une rivalité qui est surtout ouvertement exprimée par les ASBL, tenant des propos virulents à l’égard des entreprises. En effet, selon JAVVA, « ce type de projet est souvent néfaste, (…) et c’est de l’argent qui ne bénéficie pas aux communautés locales. Ils s’enrichissent en utilisant la crédibilité de certains jeunes (…) ». SV, quant à lui, dénonce « cette arnaque des agences commerciales ». A l’inverse, WEP et Project Abroad expliquent ne pas avoir le sentiment de « marcher sur les plates-bandes d’autres organisations ».
Nous avons donc remarqué que la rivalité était majoritairement latente bien que profonde. En revanche, les organismes n’ont pas tous la même perception du conflit. Nous avons constaté des attitudes de déni, des attitudes passives ou belliqueuses. Notre hypothèse de départ se confirme donc par l’analyse de nos entretiens tout en étant beaucoup plus complexe et précise qu’attendue puisqu’elle ne ciblait pas une facette particulière du conflit mais la rivalité de manière générale.
Kezel Marie, Rogues Eva, Vanga Disse Génicot, Berrajaa Dalilah