Depuis début 2020, le monde est confronté à une pandémie, impactant la vie et le fonctionnement des structures politiques, économiques et sociales. La France, comme de nombreux pays européens, a fait le choix du confinement qui transforme ainsi le quotidien de nombreux citoyens. En parallèle, ces décisions politiques ont grandement impacté les structures nationales de santé. La crise du coronavirus a ainsi ravivé des questionnements sur l’accès aux soins, en soulignant particulièrement la problématique de la santé mentale, souvent minimisée jusqu’alors. Cette dernière est devenue un sujet d’autant plus important que l’accès aux soins psychiatriques s’est vu restreint par des confinements successifs.

Cependant, ce n’est pas la première crise à laquelle est confronté le domaine médical. En effet, le crash boursier de 2008 avait déjà fortement impacté son fonctionnement, principalement au niveau budgétaire. C’est pourquoi nous allons étudier la période pré et post-crise financière afin d’en mesurer concrètement les effets sur la gestion des établissements de santé.

Dans le cadre de notre enquête, nous nous focaliserons plus particulièrement sur les centres médico-psychologiques (CMP). Ces centres accueillent gratuitement les patients qui demandent à consulter pour des troubles psychiatriques et psychologiques sur le territoire français, quel que soit leur statut social. De plus, la sécurité sociale prend en charge la prestation au sein de ces structures. Chaque CMP est affilié à une zone géographique particulière, appelée « secteur », et bénéficie d’un budget attribué par l’Etat. Toutefois, cette allocation varie d’un secteur à l’autre, ce qui s’explique notamment par la politique d’austérité mise en place suite à la crise financière de 2008, et pouvant susciter le développement de nouvelles stratégies de gestion au sein de ces structures pour s’adapter. Aux coupures budgétaires s’ajoutent les facteurs humains qui peuvent sensiblement impacter la gestion du personnel qui y travaille, ou encore le temps d’attente et la qualité d’une prise en charge au sein des centres.

Au vu de ces éléments, la gestion des CMP génèrent ou accentuent-elles les inégalités socio-économiques dans les Hauts de France? Et si oui, comment?

Cette problématique permet tout d’abord de mettre en lumière nos variables, où l’inégalité d’accès aux soins (variable dépendante) sera analysée à partir de l’observation d’une gestion tant humaine que budgétaire au niveau de la région (variables indépendantes) au sein des CMP des Hauts de France. 

A cela s’ajoute le facteur géographique, qui permet de confronter l’impact de ces deux types de gestion à celui du territoire quant à la présence de telles inégalités. Le secteur du nord est pertinent pour comparer la ville de Lille avec celle d’Anzin, toutes deux situées à proximité, mais qui diffèrent en termes de population d’un point de vue tant économique que social. Cette distinction facilitera également l’évaluation du possible lien entre inégalités socio-culturelles et inégalités d’accès aux soins, accentuées ou générées par la gestion des CMP.

D’un point de vue méthodologique, l’enquête se basera sur trois échanges préparatoires. Le premier a déjà eu lieu avec Monsieur Fabrizio Cantelli, maître de conférence et docteur en sciences politiques à l’ULB, qui nous a aiguillés pour mieux définir notre angle d’approche. Sur la base de ces conseils, nous avons donc hiérarchisé nos méthodes de collectes de données et affiné nos hypothèses. Il nous a également suggéré des lectures relatives aux questions éthiques pour la conduite ultérieure de notre enquête. Les deux autres échanges se tiendront avec la psychologue et psychanalyste Isabelle Lemaire, ainsi que la docteure et chercheuse en sociologie de la santé, Madame Lise Demailly. Ces entretiens nous introduiront à deux visions globales de la politique médicale en France; d’abord sous l’optique d’une fonctionnaire au CMP de Bruay sur Escaut (Anzin), puis à travers les travaux de recherche de Madame Demailly dans son ouvrage: La politique de santé mentale en France: Acteurs, instruments, controverses. L’objectif étant d’acquérir les principaux concepts de la discipline ainsi que de saisir les enjeux actuels liés à la gestion des CMP. Enfin, nous alimenterons notre enquête avec une série d’entretiens semi-directifs avec les acteurs concernés qui regroupent les fonctionnaires, médecins, infirmier-ères et responsables du CMP de Lille et Anzin. Les syndicats et associations liés aux questions d’accès aux soins pour les individus les plus précaires sont également ciblés.

En parallèle de leurs témoignages, l’étude des rapports de budget de la part des ministères et les projets de lois sur la période 2008-2018 nous aideront à mieux identifier les dynamiques de ces structures et leurs potentiels changements de gestion au cours du temps.

Enfin, cette analyse de corpus sera complétée par une observation de quelques jours au sein d’un des deux CMP sujet à l’enquête. 

L’étude de ces données nous permettra d’infirmer ou de confirmer nos trois hypothèses développées dans le cadre de notre enquête:

1. La gestion budgétaire d’un CMP accentue ou reproduit des inégalités sociales

2. La gestion humaine d’un CMP accentue ou reproduit des inégalités sociales

3. L’individu des Hauts de France n’a pas la même facilité d’accès aux soins en fonction de son secteur. 

Pour analyser la première hypothèse, nous utiliserons le cadre réaliste pour voir en quoi les intérêts économiques de l’Etat, qui passent par l’implémentation d’une politique d’austérité, a impacté la gestion budgétaire des CMP, et indirectement la reproduction ou la création d’inégalités. Pour aborder la deuxième hypothèse, nous utiliserons plutôt un cadre néo-institutionnaliste, avec une focale sur la sociologie des organisations. Enfin, un cadre théorique sociologique et économique nous permettra d’analyser la présence ou non d’inégalités sociales et économiques, corrélées ou non à l’inégalité d’accès aux soins dans un secteur précis (les Hauts de France).

Enquêter sur la gestion d’accès aux soins psychiatriques représente pour nous, étudiants chercheurs, une étape importante pour comprendre les enjeux de la santé publique.