Groupe 5 – Clothilde Tillet, billet individuel
L’un des éléments les plus épineux de notre travail a été de problématiser notre sujet, et c’est une question qui se pose encore maintenant. Pour tout.e chercheur.euse en sciences sociales, poser la question juste est une épreuve particulièrement difficile car elle nécessite de déconstruire ses préjugés, trouver un angle de recherche, et mettre en mots ce qui interpelle dans le sujet choisi. Notre sujet est le conflit opposant le cabinet de conseil auprès des directions générales McKinsey et l’ULB, dont plus précisément les groupes estudiantins s’opposant à son installation dans les nouveaux locaux situés sur le campus de la Plaine. Nous avons donc commencé par déconstruire notre objet d’étude. Nous avons établi le « point de départ » : la proposition de McKinsey en 2016 de s’implanter à l’ULB en échange d’aide financière pour la reconstruction des bâtiments. Puis, nous avons tenté d’identifier les acteurs. Il s’est révélé, suite à nos recherches, que les acteurs principaux de ce conflit étaient : l’entreprise McKinsey, le corps enseignant mobilisé (pour ou contre), le vice-recteur, et les étudiants (associations et groupes politiques compris). Suite à ce premier constat, nous avons réorienté notre sujet en ne s’intéressant plus à McKinsey mais aux personnes mobilisées en faveur ou en défaveur de ce projet, en les regroupant dans 3 catégories : étudiant.es, professeur.e.s, et administrateurs. Enfin, nous nous sommes rendu compte qu’il était préférable d’affiner d’avantage notre population d’étude, et avons décidé de nous centrer sur la population étudiante mobilisée à travers les associations et groupes politiques étudiants. Nous avons ainsi identifié le COMAC, le BEA, les Libéraux/Cel ULB, et l’USE comme étant les acteurs centraux et actifs de ce conflit. Après avoir trouvé notre population, la question suivante était de trouver notre question de recherche. Ainsi, et afin d’éviter de tomber dans toute sorte de pièges auxquels sont soumis les sociologues, un texte nous a été bien utile pour discerner et faire comprendre à tous les membres du groupes ce qu’est une question juste, autrement dit sociologique. Ce texte est « Problématiser », publié en 2010 et écrit par Cyril Lemieux.1 . Très méthodologique, Lemieux nous donne les clés afin de ne pas tomber dans une question descriptive ou scolastique, à l’image du promeneur et des fenêtres. En effet, il a fallu reprendre point par point les étapes de problématisation et tenter d’abord d’émettre un constat partagé, prédire une logique naturelle à ce constat, trouver des éléments empiriques qui contredisent cette logique et enfin confronter le naturel et l’empirique. De cette confrontation procède notre problématique. Bien entendu, notre sujet n’est pas un objet mais bien un conflit aux dynamiques complexes. Cette méthode, si elle est plus facilement applicables aux faits sociaux comme par exemple Durkheim a étudié le suicide2, elle n’en reste pas moins fort utile dans le fait qu’il faille déconstruire nos prénotions. Ainsi, il nous est apparu qu’un.e étudiant.e serait plus facilement heurté.e par la venue d’une entreprise privée sur son campus. Nous avons également avancé que les étudiant.e.s et groupes se revendiquant de gauche auraient plus tendances à se mobiliser contre la venue de cette entreprise que quiconque. Puis, nous nous sommes rendu compte que non seulement des étudiant.e.s se mobilisaient en faveur de ce partenariat, mais également que pas tou.te.s les étudiant.e.s se revendiquant comme étant de gauche se mobilisaient (pour ou contre). Ainsi, nous sommes venu.e.s à questionner les motifs de mobilisations des étudiant.e.s au sein de ces différents groupes reconnus comme acteurs centraux. Cela étant d’ailleurs forcément un biais car de nombreux autres acteurs se sont mobilisés à ce sujet, mais il nous étaient indispensable de limiter notre étude de peur qu’elle ne soit pas faisable. Ceci étant, nous avons pensé qu’une démarche compréhensive appuyée par des entretiens semi-directifs étaient le meilleur moyen d’obtenir plus de réponses à nos questions. Le conflit étant passé, une observation ne nous est pas de grande utilité. Ainsi, la question de la méthode d’enquête et de la problématisation de notre sujet m’a parue assez importante pour écrire mon billet individuel à ce sujet. D’autant plus qu’en tant que chercheuse pour ce travail, il me paraît crucial de rendre compte de toute notre démarche réflexive et de la conscientiser.
1 Cyril LEMIEUX, « Problématiser » in Serge PAUGAM (dir), 2010, L’enquête sociologique, Paris, PUF, p.27-51 2 Émile Durkheim, « Le Suicide : Étude de sociologie », Paris, Félix Alcan, 1897, 462 p.