Billet collectif n°3 – La production de fausses informations (hoax) par la fachosphère au sujet des prestations sociales offertes aux étrangers
Nous avons réfléchi collectivement au concept de fake news, et il apparaît qu’elles surgissent régulièrement dans ce qu’il convient de nommer la fachosphère. Celle-ci correspond à un ensemble associant l’idéologie des mouvements fascistes et des partis politiques d’extrême droite qui se concrétise en particulier sur les sites Internet, les blogs et les réseaux sociaux. Ce néologisme désigne une tendance nouvelle de démocratisation de la parole (cf. discours de Marine Le Pen « sans filtre » à Pierrelatte le 24-02) et de son accaparement par des relais efficaces. Les nombreuses interrogations qui entourent cet espace ont récemment fait l’objet de travaux par deux journalistes [1].
Nous concernant nous nous interrogerons spécifiquement sur la création et l’émission de hoax ou fausse information traitant des prestations sociales perçues par des étrangers. Notre question de recherche s’articule ainsi : dans quelles logiques apparaissent les fausses informations traitant des prestations sociales offertes aux étrangers ?
Il s’agit donc d’interroger les émetteurs propageant des informations biaisées ou orientées vers des internautes pour les « éclairer » sur la différence de traitement entre eux, les nationaux et les étrangers (non-nationaux, migrants, demandeurs d’asile, sans papiers, etc). Il nous a semblé important de définir le concept d’étranger car il apparaît que les émetteurs au sein de la fachosphère opèrent une construction erronée de l’étranger comme le montre leurs discours.
Nous prendrons par exemple, l’histoire de la « carte bleu pour migrants » [2] qui fut un épisode de détournement de la vérité relayée par des membres de partis politiques d’extrême droite, avant d’être re-contextualisé par les veilleurs du site internet hoaxbuster [3]. En effet si la carte existe et qu’elle offre un certains nombres de services, elle n’est pas universelle et demande un certains nombres de justificatifs.
Finalement ces individus se révèlent être une véritable force de frappe pour les candidats d’extrême droite qui comptent sur l’Internet pour les connecter à leurs idéologies. Le récent discours de Marine Le Pen traduit bien cette stratégie :
En ce qui concerne le terrain, nous allons procéder en deux temps. Le premier sera étudié d’un point de vue micro (entretiens d’experts) et le deuxième, d’un point de vue méso (analyse des groupes d’extrême droite sur les réseaux sociaux). En premier lieu, nous nous rapprochons, par l’intermédiaire d’entretiens, de personnes ayant traité des discours de l’extrême droite sur le web et ce de différentes manières. Ainsi nous avons identifié l’analyste et auteur du blog Reputatio Lab, Nicolas Vanderbiest qui travaille sur les crises de réputation des organisations sur le World Wide Web dans le Laboratoire d’Analyse des Systèmes de Communication des Organisations à l’Université Catholique de Louvain ; il y a aussi Dominique Albertini et David Doucet, auteurs de La Fachosphère en 2016 ; de même l’avocate Selma Benkhelifa, spécialiste en droit des étrangers ; enfin le travail de veille réalisé par RésistanceS.be, un journal en ligne de l’Observatoire belge contre l’extrême droite, nous permettra d’avoir un éclairage sur le cas de la Belgique.
Ensuite à l’aide de ces entretiens nous poursuivrons notre recherche par l’élaboration d’un questionnaire à destination des relais de l’extrême droite en Belgique francophone. Cette deuxième étape viserait a justifier nos hypothèses qui sont :
- Les fausses informations (hoax) sont des réponses à un moment politique donné (délibération d’une loi au Parlement).
- Les hoax répondent à des pulsions générées par des événements fort chargés émotionnellement (fausses agressions sexuelles à Cologne, attentats islamistes).
- C’est par la démocratisation de la parole sur les réseaux sociaux (il n’y a pas de filtre) que ces discours s’émancipent de toute autorité morale ou éthique (éthique de vérité).
- On retrouve dans ces milieux une hybridation entre les comportements autonomes et des processus structurant (le groupe ou le mouvement, le parti politique).
Les discours d’extrême droite sur les réseaux sociaux s’inscrivent dans un processus d’internationalisation. C’est ainsi que se sont réunis le 21 janvier dernier à Coblence en Allemagne, les eurodéputés du groupe ENL, alliés de la présidente du Front national. On retrouvait sur la photo de famille le Front national (FN), le Parti pour la Liberté (Pays-Bas) et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). C’est trois formations politiques sont actuellement dans les premières places des sondages pour les échéances électorales à venir.
Lucie Allo, Sofian Bouchfira et Isis Klasen
[1] Dominique Albertini & David Doucet, La Fachosphère – Comment l’extrême droite remporte la bataille du net, Flammarion, 336p (2016)
[2] https://www.facebook.com/monot.bernard/photos/a.218999434966382.1073741828.216637141869278/525039271029062/?type=1&theater
[3] http://www.hoaxbuster.com/hoaxliste/carte-bancaire-migrants