[GROUPE 7] Billet collectif – Les femmes sans-abri à Bruxelles

[GROUPE 7] Billet collectif – Les femmes sans-abri à Bruxelles

BILLET DE BLOG : Bouchema Jasmine, Courot Juliette, Fissore Vincent, N’sondé Shaany et Zucchelli Iris

Thème : Les femmes sans-abri à Bruxelles.

Si l’émergence du féminisme dans les sciences sociales a permis de traiter de plus en plus de sujet sous le prisme du genre, celui du sans-abrisme est encore peu étudié, ou bien il reste androcentré. En effet, la représentation que nous avons d’un sans-abri est généralement celle d’un homme. Or, les femmes sont de plus en plus nombreuses à se retrouver sans-abri, ou sans domicile fixe[1], et leurs expériences de la rue sont souvent très différentes de celles des hommes. C’est pourquoi, dans le cadre de cette étude de terrain, nous avons décidé de travailler sur les violences subies par les femmes sans-abri. En effet, ces dernières sont encore très peu représentées dans la littérature scientifique belge. C’est notamment ce qu’affirme la psychologue Karine Boinot (citée dans A. Marcillat, 2014:12[2]) : « Cette question et les réflexions qui suivent sont issues d’un constat effectué suite à différents travaux de recherche portant sur les personnes en errance : rares sont les fois où il y a conjugaison au féminin. [3]»

Ainsi, par le biais de notre travail nous aimerions mettre en lumière cet enjeu et apporter une réflexion sur le vécu de ces femmes. Nous pensons qu’étudier le sans-abrisme sous le prisme du genre nous permettra de mieux comprendre les inégalités et les violences qu’elles subissent quotidiennement, ainsi que les stratégies qu’elles emploient pour y faire face. Ces violences peuvent notamment s’expliquer par le caractère genré de l’espace public, rendant les femmes vulnérables, et les poussant à adopter des stratégies d’invisibilité. Cette visibilité dans l’espace urbain s’accompagne par une hausse des risques de vols, d’agressions, ou encore de viols.

En plus des inégalités de genre, notre enquête traitera également des thèmes tels que l’exclusion sociale, les inégalités économiques, ou encore la sociologie urbaine. Par ailleurs, dans le terme « sans-abrisme », nous inclurons pour le bien de notre recherche à la fois les femmes qui vivent ou qui ont vécu dans la rue (sans-abri), mais également celles sans domicile fixe (SDF). De plus, il nous semble important de mentionner que nous n’allons pas considérer la catégorie des femmes sans-abri comme un groupe homogène : nous allons prendre en considération les femmes de nationalité belge, mais aussi celles d’origine étrangère dans notre analyse. Cela nous permettra de comparer leur vécu et d’inscrire notre travail dans une démarche inclusive.

En partant de tous ces éléments, il est alors intéressant de se demander en quoi les différentes formes de violences subies par les femmes sans-abri à Bruxelles influent-elles sur les stratégies de survie qu’elles mettent en place ? 

Nous allons étudier deux hypothèses pour répondre à cette problématique. Nous allons chercher à déterminer si les femmes sans-abri d’origine étrangère font face à différents types de violences et mettent en place des stratégies de survie spécifiques. Par exemple, cela pourrait être le cas de violences policières racistes et discriminatoires que ces femmes seraient plus susceptibles de subir. De plus, nous allons chercher à savoir si les femmes sans-abri bruxelloises font face à d’autres types de violences et mettent en place des stratégies de survies particulières.

Pour tenter d’affirmer ou de réfuter ces hypothèses, nous allons nous concentrer exclusivement sur les femmes sans-abri à Bruxelles. Par ailleurs, en ce qui concerne notre méthodologie, le choix s’est porté sur une méthode qualitative fondée sur des entretiens semi-directifs et des observations avec les personnels des organisation chargées de l’accueil des femmes sans-abri dans la région de Bruxelles.

Nous  avons identifié trois organisations différentes, qui serviront pour notre enquête de terrain. Tout d’abord,  le SAMU Social qui est un  centre d’hébergement pour les personnes sans-abri, également la Strada qui est un  centre d’appui bruxellois d’aide aux sans-abri, et enfin, la  Maison d’Accueil Chèvrefeuille, qui accueille exclusivement des femmes. L’idée derrière ce choix de terrain, est de pouvoir disposer d’une diversité d’organisations, que ce soit dans l’accueil de personnes sans-abris en général, mais également dans des accueils plus spécialisés.  Il s’agit pour nous de prendre en compte la limite temporelle en ce qui concerne l’organisation de ladite enquête, et son effet restrictif sur le nombres d’organisations que nous pouvons interroger.

Si initialement il nous a paru important de mener ces entretiens directement auprès de femmes sans-abri, nous avons rapidement été confrontés à des difficultés d’ordre pratique mais aussi d’ordre éthique. Premièrement, la durée très courte de l’enquête risquait de nous empêcher de créer des liens de confiance avec le public cible pour qu’un nombre suffisant de femmes accepte de nous livrer une partie de leur vie. Plus encore, il était difficilement concevable de risquer d’exposer ces femmes à des souvenirs douloureux, voire traumatisants, pour le bien d’un travail méthodologique accompli par des étudiants universitaires et des jeunes professionnels. Enfin, s’entretenir avec le personnel de ces organismes présente l’avantage de nous apporter une vision globale des différents mécanismes de protection des femmes sans-abri de Bruxelles, tout en préservant l’intimité des femmes qui bénéficient des services de ces organisations. 

L’approche théorique que nous avons décidé de choisir est le féminisme de l’intersectionnalité. Il concerne “ la réalité sociale des femmes et des hommes ainsi que les dynamiques sociales, culturelles, économiques et politiques qui s’y rattachent comme étant multiples et déterminées simultanément et de façon interactive par plusieurs axes d’organisation sociale significatifs” (Stasiulis 1999 : -345).

Cette approche prend en compte le croisement des différentes oppressions subies par les femmes. En effet, toutes les femmes ne forment pas un groupe homogène, elles ne sont pas égales face aux différentes violences qu’elles subissent. Dans le cas des femmes sans-abris, les deux variables principales d’oppression sont le genre et le statut socio-économique. Comprendre l’ensemble de ces dynamiques nous semble en tant que citoyens et citoyennes une étape essentielle pour une meilleure inclusion de ce public stigmatisé dans notre société.


[1] Vivre Ensemble Education, « Une vie dans la marge. Femme et sans-abri », 2011, p. 2, url :

https://vivre-ensemble.be/IMG/pdf/2011-06_femmes_sans-abri.pdf

Selon cette enquête, en 1999 les femmes représentaient 1% des individus hébergés au Samu social bruxellois. En 2014, ce taux a atteint les 30%.

[2] A. Marcillat, « Femmes sans-abri à Paris. Étude de sans-abrisme au prisme du genre », Mémoire de sociologie générale, sous la direction de Marc Bessin, École des hautes études en sciences sociales, 2014, p. 12

[3] K. Boinot, “ “Femmes sans abri” Précarité asexuée ? », Vie sociale et traitements, 2008/1 n°97, p. 100

Laisser un commentaire