[Groupe n°2] : Billet collectif n°2 – Résultats de notre enquête : « La stigmatisation post-attentats de la commune de Molenbeek : déclencheur de la création d’une identité molenbeekoise ? ».

[Groupe n°2] : Billet collectif n°2 – Résultats de notre enquête : « La stigmatisation post-attentats de la commune de Molenbeek : déclencheur de la création d’une identité molenbeekoise ? ».

Nous présenterons ici les résultats de notre enquête de terrain. Notre question de recherche était la suivante : « Comment la stigmatisation post-attentats de la commune de Molenbeek a-t-elle suscité un repli identitaire ou communautaire chez les jeunes Molenbeekois ayant entre 18 et 25 ans ? ». Notre hypothèse de travail était que la stigmatisation post-attentats de Molenbeek aurait créé un phénomène de repli communautaire à travers lequel se serait développée une identité molenbeekoise. Pour mener à bien notre enquête, nous avons mené dix entretiens avec des jeunes répondant aux critères repris ci-dessus.

Avant de détailler nos résultats et conclusions, il nous paraît important de préciser que notre hypothèse initiale a été vérifiée : une identité molenbeekoise s’est bien créée au sein de la population de la commune suite aux attentats. Nous entendons par « identité molenbeekoise », l’idée d’une « identité communale » définie par Edith Bour, comme « un construit social, nécessitant certaines composantes essentielles, sans qu’elles ne soient pour autant hiérarchisées. Elle est acquise après un processus d’identification, un partage d’expériences communes (…). Un sentiment d’identification et d’appartenance au groupe est ainsi engendré, permettant une perception d’unicité de la communauté ». A Molenbeek, la stigmatisation post-attentats a été l’expérience commune qui a engendré cette identité. Les Molenbeekois interviewés nous ont exprimé leur ressenti face à ce phénomène de stigmatisation qu’ils ont qualifié de « dérangeant », « injuste », « énervant », « fatiguant », « dommage » et « blessant ». L’une de leurs phrases exprime clairement leur désarroi : « Passé les attentats, on a été les deuxièmes victimes ». L’apparition de cette identité a mis fin à la scission interne entre le « Bas-Molenbeek » et le « Haut-Molenbeek ». Ainsi, plusieurs interviewés ont affirmé que : « Ce n’est plus le haut de Molenbeek, ce n’est plus le bas de Molenbeek, c’est Molenbeek tout simplement. Et, du coup, tout le monde se sent visé, tous les Molenbeekois se sentent visés ». A noter que la conscience collective d’une identité molenbeekoise ne semblait pas réellement existée avant les événements. Selon certains enquêtés, leur sentiment d’appartenance à la commune a toujours été présent, alors que d’autres se revendiquaient plutôt « bruxellois ». Avec la stigmatisation post-attentats, « on s’est plus attachés à Molenbeek, à l’histoire, tous les beaux endroits qu’il y a, toutes les activités ». Malgré cette différence, les jeunes sondés partagent tous une chose en commun et ce, depuis toujours : leur fierté d’être molenbeekois. Ces jeunes nous ont manifesté leur attachement à Molenbeek sous différentes formes : « C’est notre commune », « on se bat pour notre commune », « Molenbeek, c’est une des meilleures communes au monde », « Molenbeek est belle » ou encore « cette commune, c’est un peu mon identité ».

Face à cette stigmatisation et cette médiatisation, de nombreux Molenbeekois ont décidé d’agir ensemble. Leurs raisons sont multiples mais visent un but commun : redorer le blason de Molenbeek. Au cours de nos entretiens, six motivations majeures ont émergé : « défendre d’où on vient », montrer le « potentiel », le « talent » et le dynamisme de la commune, dénoncer les « mensonges » (cf. : « on était tous complices »), casser les amalgames/clichés véhiculés par les médias et les personnes ne connaissant pas Molenbeek (cf. : ses habitants seraient des « intégristes », de « mauvaises personnes », des « glandeurs », des « voyous ») et éviter un repli des jeunes face aux critiques. Enfin, il y a cette volonté des Molenbeekois de défendre leur réputation puisque « c’est pas parce qu’une personne ou deux ont fait quelque chose que tout le monde, que toute la commune est comme ça ».

Afin d’atteindre leur objectif de valorisation de l’image de leur commune, les Molenbeekois ont conçu différentes stratégies : intégrer les associations communales, participer à des rassemblements/manifestations ou encore discuter avec des journalistes et d’autres personnes travaillant sur la commune. Divers projets ont été menés pour faire connaître cette dernière et sa réalité. Parmi eux, la capsule vidéo « Molenbeek is my home » dont on trouvera le lien ci-après.

Ainsi, après analyse de nos entretiens, nous avons constaté que la stigmatisation post-attentats de Molenbeek a eu un effet saisissant : le dénigrement de la commune aurait induit une prise de conscience de l’attachement fort que ses habitants lui vouent. Une véritable identité molenbeekoise se serait construite suite à l’expérience de la stigmatisation collective. Pour témoigner de leur fierté d’être molenbeekois, les habitants défendent les couleurs de leur commune. En redorant l’image de leur circonscription, c’est également leur réputation en tant qu’habitants de Molenbeek qu’ils défendent. Selon certains, l’intense traitement médiatique aurait servi leur cause puisqu’« on n’est plus invisibles » et donc « on peut se racheter ». Bien que la majorité des jeunes Molenbeekois interviewés croient en un avenir meilleur, l’un de nos enquêtés, profondément attaché à sa commune, nous a avoué qu’« on en a…tellement pris dans la gueule ici qu’on pourra plus rien faire ici » et ainsi qu’ « il faut mettre toutes les chances de notre côté et aller ailleurs ».

Informations complémentaires :

  • BAKKALI, Zakaria, « Molenbeek is my home », Molenbeek TV, Belgique, Molenbeek-Saint-Jean, 2016 (disponible via le lien internet : https://vimeo.com/149501004).

Bibliographie :

  • BOUR, Edith, « Les représentations de l’identité communale : psychosociologie d’un village re-composé, Gigouzac » (thèse), Université Toulouse le Mirail (Toulouse II), 2013, 401 p.

N.B. : plusieurs extraits de nos entretiens ont été utilisés pour illustrer notre propos et sont placés entre guillemets dans le présent texte.

 

Billet collectif n°2- Méthodes d’enquête de terrain (ULB : 2017-2018)

Amandine D.-Fanny A.- Régis L.

 

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